L’édition 2024 du Festival du film italien, à Villerupt, braque ses projecteurs sur Marcello Mastroianni et les réalités contemporaines du monde du travail. En tout, 70 projections sont programmées entre la ville lorraine et ses voisines Audun-le-Tiche et Esch-sur-Alzette.
La 47e édition du Festival du film italien de Villerupt est dédiée à l’acteur italien Marcello Mastroianni, dont c’est le centenaire de la naissance. Tout au long du festival, un hommage est rendu à cet acteur, l’un des plus illustres du cinéma européen. Sa carrière a débuté dans les années 1940, mais c’est surtout dans les années 1950 et 1960 qu’il a atteint une renommée internationale, grâce à sa collaboration avec des réalisateurs majeurs comme Federico Fellini, Luchino Visconti et Ettore Scola. Marcello Mastroianni a interprété environ 150 rôles au cours de sa carrière qui a duré plus de 50 ans. Les programmateurs·rices du festival en ont choisi onze qu’ils considèrent comme emblématiques et parmi les plus célèbres, réalisés par Federico Fellini, Mario Monicelli ou encore Luchino Visconti. Il y a aussi le film récemment sorti « Marcello moi » de Christophe Honoré (dans lequel sa fille Chiara Mastroianni joue le rôle de son père l’acteur) ainsi qu’une exposition de photos. En outre, cette année, pour la première fois dans l’histoire du festival, sera projetée « La Dolce Vita ».
L’hommage à Mastroianni est avantageusement complété par l’exposition « Marcello Mastroianni tra Fellini e Scola ». Des images inédites du français Paul Ronald, l’un des plus célèbres photographes de plateau du cinéma italien et ami de Marcello Mastroianni, y sont notamment présentées.
Le programme, qui propose 70 films à la projection, est ponctué quotidiennement de rencontres et de master-classes avec des critiques et des auteurs. Pour cette édition, le festival présente une sélection spéciale intitulée « Lavoratori, lavoratrici… e algoritmi », qui comprend 12 films emblématiques de ces dernières années, dirigés par des metteurs en scène reconnus comme Daniele Luchetti (« La nostra vita »), Pierfrancesco Diliberto-PIF (« E noi come stronzi rimanemmo a guardare ») et Riccardo Milani (« Scusate se esisto »).
Des histoires de travail et de femmes
À travers ce thème, l’accent est mis sur le monde du travail d’aujourd’hui, avec des films tous réalisés entre 2010 et 2023, qui soulèvent des questions brûlantes. Une attention particulière est portée sur les histoires des femmes, doublement victimes de ces changements drastiques. Elles sont les protagonistes de « 7 minutes » (Michele Placido, 2016), qui raconte la lutte de onze ouvrières du textile après le rachat de leur usine par une multinationale ; « Gli ultimi saranno gli ultimi » (Massimiliano Bruno, 2015), dans lequel une femme est licenciée après avoir annoncé qu’elle est enceinte ; « Ride » (Valerio Mastandrea, 2018), l’histoire d’une femme qui essaye d’accepter la disparition de son mari, un ouvrier mort d’un accident du travail.
Outre le focus sur le sujet du travail, le festival présente quinze films en compétition dans la Sélection officielle, dix hors compétition et dix-sept titres dans le Panorama. La plupart de ces films ont été réalisés l’année dernière et de nombreux longs métrages sont projetés pour la première fois, tant en France qu’en Italie.
L’un des moments les plus attendus du festival est la remise du prix Amilcar de la Ville, récompensant chaque année une personnalité du cinéma italien. Cette année, il sera décerné à Michele Riondino réalisateur du film en compétition « Palazzina LAF ».
Le film raconte l’histoire vraie d’un ouvrier qui est chargé d’espionner ses collègues de l’aciérie Ilva. En faisant cela, il découvre les abus psychologiques auxquels ils sont soumis. Ce film s’inscrit dans la continuité de l’engagement social et environnemental du réalisateur, fils d’un ouvrier de l’aciérie de Tarente et fondateur d’un comité de citoyens luttant contre la pollution. « Palazzina LAF » a été l’un des films les plus populaires en Italie au cours de l’année écoulée. Il s’agit d’un exemple de cinéma né d’un profond engagement militant.
Au cœur des débats actuels
« Palazzina LAF » (LAF est l’acronyme de laminage à froid) représentait une honte non seulement pour Tarente, mais aussi pour toute l’Italie. L’affaire visait un groupe de travailleurs relégués dans un lieu délabré de l’aciérie, parce qu’ils étaient considérés comme gênants, trop engagés syndicalement ou parce qu’ils n’acceptaient pas d’être rétrogradés. Ils devaient servir d’exemple à l’ensemble de l’usine. L’enquête a abouti à la condamnation définitive de onze accusés (directeurs, chefs et le propriétaire d’Ilva, Emilio Riva) pour tentative de violence. En 1997, année au cours de laquelle les faits se sont déroulés, ce type d’affaire était tout à fait nouveau en Italie. L’intimidation en tant que délit ne figurait même pas dans le code pénal italien et il y avait peu de cas similaires. À tel point que, dans un premier temps, le harcèlement moral n’a pas été considéré comme tel. Les travailleurs étaient essentiellement payés pour ne rien faire et contraints à une oisiveté forcée. Le film met également en lumière la relation entre la santé et le travail (et le fait que les travailleurs sont souvent contraints de choisir le travail au détriment de la santé), qui a affecté et affecte toujours la ville des Pouilles.
Sera également projeté le drame de guerre « Vermiglio » de Maura Delpero (Grand prix du jury à Venise et représentant de l’Italie aux prochains Oscars), qui se déroule en 1944 et raconte l’arrivée d’un soldat sicilien dans le village de Vermiglio, dans le nord de l’Italie. À retenir aussi, le long métrage du documentariste iranien Milad Tangshir,« Anywhere Anytime ». Il s’agit d’une variation du classique néoréaliste de Vittorio De Sica « Ladri di biciclette », qui se déroule à Turin à l’époque des travailleur·euses précaires, des immigré·es et des clandestin·es. La réalité politique internationale sera également abordée avec la projection de « I bambini di Gaza » de Loris Lai, qui raconte l’histoire d’une amitié entre un Israélien et un Palestinien à travers leur passion pour le surf. Avec des thèmes résolument politiques, cette 47e édition du festival de Villerupt est très diversifiée et aborde certaines des questions centrales qui nourrissent les débats actuels de nos sociétés.
1.700 films depuis 1976
Le Festival du film italien de Villerupt en est cette année à sa 47e édition. Il se déroule dans la commune frontalière française de Villerupt, mais des projections ont également lieu à Audun-le-Tiche et, côté luxembourgeois, à Esch-sur-Alzette. Le festival, qui a débuté le 25 octobre, s’achève le 11 novembre. Plus de 70 films sont projetés dans les salles. Il s’agit du festival de cinéma italien à l’étranger le plus ancien et le plus complet : depuis sa création en 1976, il peut se targuer d’avoir projeté quelque 1.700 films. Depuis 2023, le festival est dirigé par Sandrine Garcia, entourée des délégués artistiques Oreste Sacchelli, Federico Pedroni et Bernard Reiss.