
Simon Evans est un artiste curieux. Dans ses tableaux et installations il pratique un art de l’inventaire urbain et poétique peu commun. Comme dans son tableau « Everything I Have » où il a découpé des magazines publicitaires, voire des publicités trouvées dans des magazines, pour montrer tout ce qui est en sa possession – du jean délavé en passant par un réveil suranné pour arriver à la bouteille de détergent. En plus, chaque élément est pourvu d’annotations personnelles de l’artiste – des commentaires parfois anecdotiques ou (dé)valorisants.
La dimension esthétique de son travail coïncide ainsi avec un besoin réel de communiquer. Car Simon Evans n’est pas un artiste qui se préoccupe de questions formalistes, il est plutôt un poète dont l’expression prend toutes les formes possibles. L’écriture aussi fait partie intégrante de son art, son tableau-collage sur les rues de New York, pour lequel il a amassé des citations de phrases entendues, les a reproduites sur des bouts de papiers pour en faire une sorte de cartographie mentale et poétique de la grande pomme, le prouve à merveille. Cela rappelle un peu l’édition monumentale du poème-fleuve de Blaise Cendrars « La prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France » que le poète suisse avait réalisée avec la peintre Sonia Delaunay – qui est aussi une oeuvre hybride qui mêle poésie, vécu et esthétique.
Dans les autres tableaux montrés à l’occasion de son exposition monographique au Mudam, il reprend la même approche, mais varie les représentations. Il devient ainsi un chroniqueur non pas seulement de sa vie, mais aussi du monde qui l’entoure. Et c’est plutôt réussi, vu qu’on n’a pas l’impression de voir des témoignages autistes d’une vie intérieure et recluse, mais que son art ressemble plutôt à un carnet de voyage explosé en mille dimensions. Peut-être que son passé de skateur a eu une influence sur sa manière de travailler. Pour un migrant urbain qui – par sa façon de se mouvoir dans la jungle bétonnée – a une autre approche de l’architecture et aussi de la psychogéographie des villes, cette approche semble même naturelle. Car, c’est une autre particularité de Simon Evans, ses tableaux et installations semblent insolites de loin, mais vues de près elles semblent tellement évidentes que le spectateur se reconnaît dans ce qu’il voit, constatant que l’artiste vit dans le même monde que lui et non pas reclus dans une tour d’ivoire.
En plus de l’exposition, Simon Evans a créé « Same Old Shit » un mixtape sur cassette audio de 80 minutes qui est en vente au Mudam et limité à 300 exemplaires. Une exposition concrète et conséquente donc, dont on ne regrette qu’une chose : la taille relativement petite. On aurait bien aimé en voir davantage, dommage.
Au Mudam, jusqu’au 16 septembre.