POLITIQUE COMMUNALE: Contrer la nouvelle sélectivité

La transmission du pouvoir communal à Esch a certes moins fait jaser que celle de Differdange. Pourtant, l’arrivée de Vera Spautz à la tête de la deuxième plus grande commune du pays va aussi apporter quelques changements.

Depuis le 15 janvier, la nouvelle bourgmestre de la ville d’Esch s’appelle Vera Spautz. Députée entre 2004 et 2012 et échevine de la ville en charge notamment des affaires sociales, elle a une connaissance approfondie des problèmes de la ville – et son positionnement dans le volet gauche de son parti pourrait éventuellement amener un changement de cap dans la gérance de la deuxième commune du pays.

woxx : Au sein de votre parti, le LSAP, vous êtes connue comme une politicienne appartenant à l’aile gauche et qui ne se soumet pas toujours à la discipline du parti – est-ce que vous allez continuer votre dissidence, maintenant que vous êtes bourgmestre d’Esch ?

Vera Spautz : Mes convictions ne changeront pas maintenant que je suis bourgmestre. J’aurai sûrement aussi plus de travail – vu le contenu du programme gouvernemental, que je me suis abstenue de voter lors du congrès LSAP d’ailleurs. Certaines mesures, qui n’étaient pas encore connues de façon claire et précise, deviennent moins floues maintenant, comme la sélectivité sociale. Car une grande partie des problèmes que ces mesures causeront auront des conséquences sur la politique communale. Nous devrons donc contrecarrer ces politiques au niveau communal et à travers l’office social – des choses qui certainement nous coûteront de l’argent.

Un dossier brûlant dont vous avez hérité est la fabrique d’asphalte qui est planifiée dans la zone industrielle « Um Monkeler ». Le weekend dernier on a appris que les communes concernées étaient ouvertes au projet, alors qu’auparavant elles y étaient hostiles. D’où vient ce changement de cap ?

Je n’ai pas participé à la réunion – dont je viens d’avoir le rapport – pendant laquelle les responsables communaux ont appris que le ministère ne pouvait plus interdire la construction de l’usine, vu qu’elle remplissait toutes les conditions pour obtenir une autorisation – les murs planifiés ont été rehaussés et ce ne sera pas une fabrique d’enrobé à chaud, mais d’enrobé à froid, ce qui aura une incidence sur les nuisances olfactives. Le secrétaire d’Etat Camille Gira a annoncé une réunion avec les citoyens dans une semaine et demie, donc début février, où il veut informer sur la situation.

Ce sera une campagne d’information ou de participation ?

Je suppose que ce ne sera que pour informer de ce qui a été décidé.

La commune participera-t-elle à une autorité de contrôle du site ?

On n’en est pas encore là. Jusque-là on a seulement discuté du site « Um Monkeler » en général, parce qu’il reste encore des problèmes non résolus. Comme ceux des deux firmes de traitement de gravats qui sont encore sur le site, mais du côté de Schifflange. Les firmes ont été contactées, pour leur dire qu’elles devraient fermer ces sites, mais elles n’ont pas encore bougé, comme nous venons de l’apprendre. Donc, la mise en place de la fabrique d’asphalte ne devrait pas avancer aussi rapidement que le gouvernement le souhaite.

« La fabrique d’asphalte ne devrait pas se construire aussi rapidement que le gouvernement le souhaite. »

Et vous personnellement, êtes-vous pour ou contre la fabrique d’asphalte ?

J’ai donné ma signature contre cette fabrique. C’était mon opinion et je la défends toujours. C’est pourquoi cela m’intéresse beaucoup de savoir comment et sous quelles conditions ce projet avancera. Bien sûr, nous sommes à Esch et nous avons l’habitude de l’industrie, mais cela ne veut pas dire qu’on dise oui à tout.

Une autre raison pour laquelle la ville d’Esch se retrouve souvent dans le collimateur est le chômage élévé surtout chez les jeunes. Quels sont vos moyens locaux pour y rémédier ?

Nous avons déjà mis sur pied au cours des dernières années des initiatives spécifiques, que ce soit le CIGL ou Colabor pour les plus jeunes, ou encore Zarabina voire l’Initiative Rëm Schaffen pour les plus âgés – pour lesquelles nous investirons un million d’euros en 2014. Et ce million, c’est la commune d’Esch qui le fournit à elle seule, c’est donc sans compter la contrepartie qui sera versée par l’Etat. Et puis nous devrions commencer cette année avec un projet de serres à légumes instigué par le CIGL – mais jeudi dernier celui-ci m’a informé que le ministère ne lui donnera qu’une infime partie de l’argent nécessaire pour avril et qu’il n’est nullement sûr que toute la somme lui parviendra, vu que les sommes dépensées resteront les mêmes qu’en 2013, alors que la commune a planifié sa contrepartie dans le budget et que nous avons lutté longtemps pour l’obtenir. Si le projet ne se faisait pas, ce serait une catastrophe, une fausse sélectivité sociale et une fausse mesure d’économie, qui n’a rien de social. Et j’ai entendu des choses similaires de la part d’autres organisations, qu’elles perdraient des projets à cause du gel de budget. Mais bon, ce n’est pas nouveau : l’année dernière nous avons eu un sommet pour l’emploi à Esch, avec le ministre du Travail Nicolas Schmit, et déjà là nous avons dû constater un certain manque d’intérêt pour nos projets.

« S’ils ont assez d’argent pour spéculer, ils en ont aussi assez pour payer des taxes. »

Aucune lueur d’espoir ?

Nous n’abondonnons pas et nous continuerons la semaine prochaine, où nous avons une réunion avec l’université et l’Adem, toutes deux situées à Belval, mais qui ne semblent pas encore avoir pris contact malgré leur proximité. Nous voulons un plan d’action ou une charte qui prévoit une priorité à l’embauche pour les demandeurs qui viennent de la région Sud pour tous les services dont l’université aura besoin – comme le nettoyage ou la garde d’enfants par exemple. En parallèle, la commune planifie de fonder sa propre entreprise d’économie solidaire qui deviendrait un partenaire privilégié de l’université. Ainsi, nous voulons éviter aussi que ces mêmes personnes soient peut-être embauchées par des grosses boîtes internationales qui les emploient dans des conditions précaires – comme on peut le voir avec le conflit social dans le secteur du nettoyage en ce moment par exemple.

Parlant de Belval : Esch ne risque-t-elle pas de devenir une ville à double visage ? D’un côté la cité du futur, de l’autre une ville qui lutte contre le chômage et la criminalité ?

Nous faisons des efforts pour lier les deux. Une de nos pistes est d’essayer de faire bouger la population estudiantine de Belval vers la ville d’Esch. C’est pourquoi nous nous lançons aussi sérieusement dans la construction de logements étudiants – par exemple dans l’hôtel actuellement désaffecté sur la place Boltgen, qui est une de nos priorités pour l’instant. Pour moi les deux choses doivent être liées. On le voit aussi dans notre autre projet prioritaire qui concerne l’ancien café « Diva » derrière le théâtre. Nous voulons en faire un projet mixte : un nouveau café au rez-de-chaussée et des logements à l’étage, qui seront partagés entre logements étudiants et logements sociaux pour jeunes en difficultés. Car pour les colocations de jeunes en difficultés la situation est catastrophique en ce moment, ils ne trouvent plus où se loger.

A propos des logements sociaux : l’opposition de gauche a critiqué le fait que la commune d’Esch n’aurait pas tenu ses promesses et n’en construirait pas assez.

Nous avons dû tirer le frein budgétaire, c’est sûr. Et même si je comprends les critiques de la gauche, je me dis que peut-être ils n’ont pas comptabilisé tous ce qu’on a fait et ce qu’on veut faire. Depuis cinq ans nous avons acheté nombre d’appartements et de maisons, mais qui n’ont pas été rénovés aussi vite que nous l’avons voulu – ce qui n’est pas bien. Nos services sont en train de voir si certains de ces logements ont vraiment besoin d’une rénovation de fond pour être mis à disposition, afin que ce dossier avance plus rapidement. Une autre idée est d’employer des chômeurs dans la rénovation des logements sociaux pour qu’on n’ait plus besoin des grandes firmes là non plus. C’est pourquoi cette année nous ne ferons pas d’acquisition, mais nous mettrons en l’état ce que nous avons déjà.

Esch applique aussi une taxe sur les logements vides, savez-vous déjà quelles seront les retombées ?

A partir de juillet nous en saurons plus, quand les 18 mois auront passé. C’est-à-dire que les propriétaires des quelque 800 appartements et 200 maisons vides seront contactés. Et c’est sans compter les terrains, où la taxe ne prendra effet que 18 mois plus tard. Mais entre-temps nous développons une taxe sur les surfaces commerciales vides, pour que la spéculation sur celles-ci cesse aussi. C’est surtout à cause des deux grands bâtiments de l’ancien Monopol, dans la rue de l’Alzette et sur l’avenue de la Gare – gérées par la société néerlandaise Breevast. S’ils ont assez d’argent pour spéculer, ils en ont aussi assez pour payer des taxes. Si la commune fait de son mieux pour embellir la ville, le secteur privé doit aussi faire des efforts et ne pas laisser des immeubles se dégrader de cette façon.


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