POLITIQUE CULTURELLE: « Avancer le plus vite possible »

L’arrivée de Maggy Nagel au ministère de la Culture n’était pas vraiment attendue. Au woxx, elle explique comment elle tente de s’y prendre avec les dossiers épineux qui l’attendaient sur son bureau.

Active dans la politique communale depuis 35 ans, Maggy Nagel a de hautes ambitions à la tête du ministère de la Culture. (Photo: Christian Mosar)

Woxx : Une de vos priorités est le projet de loi réformant le statut d’artiste. Voulez-vous procéder par amendements ou envisagez-vous une refonte du projet que votre prédecesseure vous a légué ?

Maggy Nagel : En effet, c’est un des dossiers que j’ai trouvés sur le bureau. Entre-temps, nous avons reçu une dizaine d’avis sur le projet et j’ai pris le temps de l’étudier en détail. Nous attendons encore l’avis du Conseil d’Etat, et nous voulons, vu que les consultations avec le secteur ont été très constructives, changer ponctuellement en suivant les recommandations et adapter le projet de loi. D’autre part, je suis d’avis que dans le futur on ne devrait plus parler d’un statut d’artiste. Je ne veux pas qu’on force les artistes dans un cadre strict – ce qui est le cas quand on parle d’un statut. Je veux laisser ce cadre ouvert, donc aussi enlever la dénomination « statut d’artiste » du texte et plutôt aller dans la direction des aides sociales auquel un créatif a droit – le congé de maladie et le congé de maternité par exemple. En tout cas, nous voulons avancer le plus vite possible, pour enfin fixer au mieux les conditions d’existence des créatifs.

Pourtant, les avis étaient plutôt négatifs – comme celui de la Chambre de commerce (CLC), celui de la Chambre des salariés (CLS) et d’autres institutions du secteur.

Celui de la CLC n’était pas négatif, comme beaucoup de personnes l’avaient compris.

« Les gens croient tous que l’Etat investit massivement dans la culture, sans qu’on sache où cet argent va au juste. »

Tandis que les autres critiquaient la « règle des 10 % » – qui voulait que le requérant démontre à chaque nouvelle demande qu’il avait gagné 10 % de plus qu’à la dernière.

Oui, après les consultations, nous avons décidé de laisser tomber cette condition. De plus, nous allons lier les aides plus fortement à la résidence fiscale – ce qui donne une autre direction au projet.

Un autre point critique concernait les formations continues obligatoires – sont-elles toujours aussi floues ?

Nous voulons donner une définition beaucoup plus claire de ces formations. D’autant plus qu’on sait qu’un artiste ne s’intéresse pas forcément au côté commercial de son art – tout ce qui touche à la comptabilité, voire au domaine fiscal. Pour cela nous voulons venir en aide aux créatifs, et c’est pourquoi nous allons introduire une formation adéquate dans le projet de loi.

Selon le programme gouvernemental, vous voulez aussi faire un screening des conventions. Avec quelle méthode voulez-vous progresser ? Et comment garantir la transparence ?

L’absence de transparence m’a toujours contrariée, à cause des discussions qu’elle provoque. Les gens croient tous que l’Etat investit massivement dans la culture, sans qu’on sache où cet argent va au juste. C’est pourquoi j’ai dit que nous avons une grande partie, 55 millions, qui part en subventions et conventions que je veux rendre publiques dès que nous aurons fini le rapport d’activités 2013. Nous publierons donc toutes les institutions conventionnées, avec le montant qu’elles reçoivent, que ce soit un théâtre, la Philharmonie ou une quelconque harmonie municipale.

Où est-ce que vous en êtes avec les coupes budgétaires, prévues de 10 % sur le budget administratif ?

Nous avançons bien – nous en sommes déjà à 10,6 %. Nous avons fait beaucoup d’efforts en interne, mais nos institutions aussi se sont pliées à l’exercice. Avec la limite pourtant que c’est déjà la deuxième fois que de telles coupes sont exigées dans la culture, et je ne crois pas que ce soit possible une troisième fois. En tout cas, pas sans que certaines institutions soient mises en danger. Je pense par exemple aux Archives?

Que vous voulez laisser dans leurs locaux provisoires à Bertrange.

Oui, ce serait la solution idéale. J’ai critiqué le fait que la solution que nous avons enfin trouvée pour la Bibliothèque nationale ne comprend pas en même temps une solution pour les Archives. Cela nous aurait permis de faire d’une pierre deux coups. Et si la solution provisoire s’avérait durable, cela m’arrangerait.

Les coupes budgétaires seront-elles accompagnées d’une meilleure redistribution des aides ?

Justement : en préparant le budget avec mon équipe, j’ai vu qu’il y avait des possibilités pour aller vers plus d’équilibre – un exercice auquel je suis rompue après 35 années d’administration communale. Toutes les subventions et les conventions doivent être revues selon les contenus, les activités et les montants. C’est une priorité pour le budget 2015. Surtout qu’il y a des conventions qui sont restées inchangées pendant des années, et la question se pose de savoir si elles sont toujours actuelles ou s’il y en a qui sont devenues obsolètes.

Une autre priorité sur votre liste est la création de l’Institut du temps présent. Est-ce que la rumeur dit vrai quant à un changement d’affectation de l’Institut vers le ministère de la Recherche ?

Non, ce n’est pas vrai. J’en ai bien sûr discuté avec mon collègue Claude Meisch et il est clair que l’Institut restera dans le ministère de la Culture. J’ai planifié de présenter un premier texte en vue d’un projet de loi avant la fin du mois. Des discussions ont eu lieu en petit groupe et il en est ressorti qu’une collaboration étroite avec l’université est nécessaire. Et, vu la sensibilité du thème, qu’il doit y avoir une assimilation de notre histoire non pas seulement sur la Seconde Guerre mondiale, mais sur toute l’histoire du 20e siècle au Luxembourg. Et puis on doit voir, concernant les centres de documentation déjà existants – qui font un travail excellent -, s’ils peuvent se joindre à la création de cet Institut.

Ils ne seront donc pas dissous ?

Ce n’est pas prévu pour l’instant.

Mais est-ce que cela fait alors grand sens d’avoir un Institut de plus ?

C’est vrai pour les centres qui sont soumis au ministère d’Etat – mais il y en a d’autres, comme le Musée de la Résistance par exemple. Pour ceux dépendant du ministère d’Etat, la discussion est de savoir s’ils seront intégrés à l’Institut du temps présent ou s’ils disparaîtront. Pour nous l’indépendance est primordiale – c’est pourquoi l’Institut du temps présent sera probablement un établissement public. Les temps où l’histoire était dictée par la politique sont révolus. Par contre, la visibilité est très importante pour nous. C’est-à-dire que nous avons d’un côté l’Institut qui est responsable de la recherche scientifique et de l’autre côté nous travaillerons en collaboration avec des musées, comme celui de la Résistance à Esch.

« Pour nous l’indépendance est primordiale – c’est pourquoi l’Institut du temps présent sera probablement un établissement public. »

Cela veut dire que le dossier du Musée de la Résistance avancera enfin ?

Nous sommes en train de voir, le musée appartient toujours à la ville d’Esch. Pourtant, l’ancien gouvernement avait fait de grandes annonces sur le budget qu’il allait investir dans le Musée de la Résistance, mais rien ne s’est passé.

En général, comment voyez-vous les relations entre culture et économie ?

Tout ce qui a relation avec l’industrie culturelle, je le discuterai aussi avec le ministre de l’Economie. Parce que je veux une évaluation de la culture, aussi sur le plan économique. Une sorte de PIB culturel si on veut. C’est aussi très important pour qu’une prise de conscience publique se fasse enfin – pour qu’on voie clairement ce que le secteur culturel nous apporte.

Une autre polémique qui vient de se déclencher est l’« affaire Dockendorf ». Même s’il a apporté de précieuses collaborations, comment voulez-vous éviter dans le futur qu’un ex-fonctionnaire détienne encore autant de pouvoir ?

Ce n’est pas une « affaire Dockendorf », mais il s’agit plutôt du fait qu’au fur et à mesure nous découvrons beaucoup d’autres histoires semblables dans d’autres ministères. Et il faut que d’un côté on analyse mieux les fonctionnaires haut placés et ceux qui représentent l’Etat dans des conseils d’administration ; et – pour moi – un fonctionnaire en retraite ne devrait plus être doté de missions officielles au cours desquelles il représente le ministère. Ce n’est pas une question de rémunération, mais de principe. Dans chaque ministère, nous avons un conseiller de gouvernement, c’est lui qui représente le ministère et qui décide de toutes les subventions – et c’est tout.


Cet article vous a plu ?
Nous offrons gratuitement nos articles avec leur regard résolument écologique, féministe et progressiste sur le monde. Sans pub ni offre premium ou paywall. Nous avons en effet la conviction que l’accès à l’information doit rester libre. Afin de pouvoir garantir qu’à l’avenir nos articles seront accessibles à quiconque s’y intéresse, nous avons besoin de votre soutien – à travers un abonnement ou un don : woxx.lu/support.

Hat Ihnen dieser Artikel gefallen?
Wir stellen unsere Artikel mit unserem einzigartigen, ökologischen, feministischen, gesellschaftskritischen und linkem Blick auf die Welt allen kostenlos zur Verfügung – ohne Werbung, ohne „Plus“-, „Premium“-Angebot oder eine Paywall. Denn wir sind der Meinung, dass der Zugang zu Informationen frei sein sollte. Um das auch in Zukunft gewährleisten zu können, benötigen wir Ihre Unterstützung; mit einem Abonnement oder einer Spende: woxx.lu/support.
Tagged .Speichere in deinen Favoriten diesen permalink.

Kommentare sind geschlossen.