Ce mois d’avril, le woxx accueille le printemps avec la main de l’illustratrice Sarah Mafféïs. Pour le début de sa série « Backcovers », elle parle avec nous de ses dessins intuitifs et des émotions que lui évoquent les objets du quotidien.
woxx : Sarah, Vous alliez votre travail de designer de mobilier à celui d’illustratrice. Comment ces deux activités s’enrichissent-elles mutuellement ?
Sarah Maffeïs : Je m’inspire beaucoup du design dans mes illustrations et j’adore dessiner des objets. Depuis toute petite j’ai aimé dessiner, et quand j’ai voulu choisir la direction de mes études, j’ai choisi quelque chose qui me permettrait de continuer à dessiner tout le temps. Le design me correspondait bien alors. Mais ce qui me manquait dans ce domaine c’était un aspect plus graphique dans la création. Le choix des couleurs et des textures est l’aspect sur lequel je préfère travailler et que je développe donc dans ma pratique d’illustration. Une fois que j’ai choisi le motif – un vase ou un verre, quelque chose de très simple à la base – , je passe surtout des heures à essayer de composer et choisir les bonnes couleurs pour que le dessin amène l’émotion que je recherche.
Vous avez notamment créé des illustrations pour le « New York Times » et, depuis 2021, vous vendez vos illustrations sur votre site web. Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce saut pour devenir illustratrice professionnelle ?
J’avais toujours eu cette envie. Après mes études, j’ai eu peur de me lancer et je ne pensais pas être capable d’en vivre. J’ai alors choisi un métier qui me paraissait plus stable. Progressivement, pourtant, j’ai commencé à publier mes illustrations sur Instagram avec l’intention de voir comment ma pratique évoluerait et, petit à petit, à partir de 2021, j’ai pu commencer officiellement à en faire ma profession.
Votre style a beaucoup évolué pendant ces quelques années ?
C’est vrai, mon style a bien évolué jusque-là. Ça ne fait que quelques années que je pense avoir réussi à développer un style plus personnel. Même si j’essaie d’évoluer continuellement, je suis enfin satisfaite de la technique que j’utilise actuellement.
Quel a été le processus qui vous a permis de chercher votre langage visuel ?
J’ai dessiné pratiquement tous les jours. Je m’étais donné l’objectif de publier quelque chose sur Instagram quotidiennement. Cela fait sept ans maintenant. En me poussant à faire quelque chose de nouveau tous les jours, j’ai pu explorer et diversifier mes thèmes.
Vos illustrations se caractérisent non seulement par des compositions paisibles, mais aussi par des thèmes récurrents, comme la gastronomie ou encore les objets naturels. Qu’est-ce qui vous fascine particulièrement dans ces sujets ?
J’aime beaucoup le fait que mes illustrations reflètent une dimension calme et apaisante. C’est un peu naturel et pas forcément conscient. En général, les scènes que je dessine m’inspirent des émotions positives. D’autre part, je me base aussi sur des souvenirs ou une émotion que je veux transmettre. Par exemple, les illustrations que j’ai faites pour le woxx sont inspirées par le printemps. Le passage des saisons est quelque chose que j’aime beaucoup représenter parce que je trouve que chacun apporte une sorte de joie particulière. Les premières fleurs qui commencent à éclore maintenant, par exemple, influencent ma pratique artistique et mon choix de thèmes. Tandis qu’en hiver, j’ai envie de rentrer chez moi, et par conséquent je dessine des scènes d’intérieur ou des cafés et des gâteaux.
Vous tirez alors également votre inspiration de l’espace dans lequel vous évoluez, mais à la fin ce sont toujours les objets qui prennent la place centrale dans vos illustrations.
Oui, puisque j’ai toujours adoré les objets et j’ai plein de collections : de cailloux, de papiers ou d’enveloppes. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai créé mon site. J’adore l’aspect physique des illustrations : j’imprime tout moi-même et je choisis le papier pour ainsi réfléchir à l’apparence physique de l’objet. C’est un petit cycle, commençant par l’exercice d’observation, le dessin et finalement l’impression, quand l’objet devient un peu mien.
Pour les illustrations que vous avez créées pour le woxx, vous vous êtes directement inspirée du printemps. Quelles histoires représentent-elles ?
On pourrait dire que les illustrations représentent une journée idéale de printemps : quatre choses auxquelles je pense quand je fantasme sur l’idée du printemps. Par exemple, je suis toujours à me balader et à regarder les oiseaux qui arrivent à ce moment-là. La cuisine est un autre aspect important. Les fruits et les légumes qui viennent en fonction des saisons me permettent de vivre et de jouir du temps présent. Sans vraiment m’en rendre compte, je pense que je suis influencée par l’environnement et par mes émotions du moment.
« J’essaie de raconter quelque chose à travers les objets, parce que je trouve que c’est une manière plus discrète d’évoquer des situations. »
Normalement vous utilisez beaucoup de couleurs. Comment avez-vous abordé le défi de ne travailler qu’en noir, blanc et vert pour le woxx ?
C’était nouveau pour moi parce que je n’ai jamais essayé de faire ressortir quelque chose avec uniquement deux couleurs. Cela m’a permis de réfléchir différemment aussi par rapport à la composition. En ce moment, je m’inspire des illustrations de mode du début du 20e siècle. Il y a cette utilisation des aplats de couleurs qui m’a aidée à réfléchir à l’alternance. J’avais envie qu’il y ait deux illustrations avec un arrière-plan vert et que les autres aient plus de vert dans l’intérieur des objets. C’est ce qui m’a amenée à dessiner un paysage de végétation, ce qui était parfait pour le thème. Généralement, j’applique la couleur en dernier et c’est un processus intuitif. Finalement je passe plus de temps à jouer avec les couleurs et les textures qu’à créer le dessin !
Quels sont vos prochains objectifs comme artiste ?
J’aimerais m’essayer à introduire des personnages dans mon travail. J’essaie de raconter quelque chose à travers les objets parce que je trouve que c’est une manière plus discrète et indirecte d’évoquer des situations. Mais ajouter un personnage permet plus facilement de transmettre une émotion. Justement, pour le woxx j’ai pu introduire des mains, qui évoquent déjà une présence humaine. Il serait donc intéressant de développer cette dimension.
Jusqu’à maintenant, ce sont plutôt les objets qui étaient les éléments principaux dans vos œuvres.
Oui. Même si parfois je me demande si mon intention va vraiment transparaître à travers l’objet choisi. Mais si, par exemple, je dessine une tasse de café fumante, ce n’est pas qu’une tasse de café. Pour moi, elle évoque un moment agréable de la journée, un après-midi tranquille dans un café ou alors la première chose qu’on fait le matin et les routines qui suivent. C’est cela que je veux raconter.
À propos de l’artiste
Passionnée des objets et de leurs histoires, Sarah Mafféïs étudie d’abord le design industriel avant d’arriver au Luxembourg, il y a cinq ans, pour travailler comme designer de meubles. En parallèle, elle commence à dessiner au quotidien et à publier ces créations sur son compte Instagram. Caractérisées par des compositions paisibles ainsi que par des objets du quotidien, ses illustrations ont été publiées dans des journaux comme le « New York Times ». On retrouve ses œuvres sur son site web www.sarahmaffeis.com et sur Instagram @sarahmaffeis.