Plus de quatre années se sont écoulées depuis les manifestations de l’opposition bélarussienne, suite à la réélection d’Alexandre Loukachenko à la présidence du Bélarus. Les 6 et 7 juin, la Chambre des députés recevait le gouvernement en exil de l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa. Cette conférence avait pour objet la situation des réfugié·es bélarussien·nes à l’étranger.
C’était une initiative de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe et du député CSV Paul Galles. Ce dernier a travaillé au Bélarus avec Caritas en 2017. Il raconte : « J’ai vu les inégalités dans le pays. Loukashenko vit dans un palais alors que les habitants vivent dans la pauvreté. Le régime détruit la culture bélarussienne. Nous devons soutenir l’opposition bélarussienne qui est l’alliée de l’Ukraine. » Au Conseil de l’Europe, Paul Galles a publié un rapport sur la situation des exilé·es bélarussien·nes. Cela a notamment abouti au fait que la Suède ne reconnaisse plus le Bélarus comme un pays sûr pour le renvoi de personnes déboutées du droit d’asile. À l’ouverture de la conférence, le député DP Fernand Etgen, a rappelé les 1.600 détenu·es politiques et les 50.000 réfugié·es bélarussien·nes. Svetlana Tikhanovskaïa, cheffe du gouvernement en exil, décrit la répression au Bélarus : « Nous vivons sous la terreur comme à l’époque de Staline. » Son mari, Sergueï Tikhanovski, est en détention depuis qu’elle s’est présentée aux élections présidentielles de 2020. « Je n’ai plus de nouvelle de mon mari depuis un an », dit-elle. Les exilé·es sont également jugé·es par contumace devant les tribunaux bélarussiens.
Lors de la conférence, l’écrivain Sasha Filipenko décrit la surveillance au Bélarus : « Les agents du KGB se font passer pour des chauffeurs de taxi. Les arrestations pour le port de vêtements aux couleurs de l’opposition sont courantes. » Les membres de la famille d’un·e exilé·e vivent sous la surveillance constante du régime. Ils et elles vivent dans l’isolation sociale et sont parfois victimes de violence par la police. Les services de renseignement bélarussien surveillent l’opposition à l’étranger. Le KGB bélarussien abuse des « notices rouges » d’Interpol pour faire arrêter et extrader les membres de l’opposition. Le journaliste bélarussien, Andriy Gnyot, a ainsi été arrêté en Serbie, pays membre du Conseil de l’Europe et candidat à l’Union européenne. Après la conférence, on apprendra qu’Andriy Gnyot a été extradé vers le Bélarus. Sa situation illustre les difficultés des réfugié·es bélarussien·nes pour faire valoir leur droit à l’asile.
Risque d’apatridie
Pour entraver l’opposition, le gouvernement de Loukachenko a décidé d’interdire le renouvellement des passeports et cartes d’identité par les consulats bélarussiens. Le régime cherche à obliger les membres de l’opposition à retourner au Bélarus. Svetlana Tikhanovskaïa estime qu’il est nécessaire que les pays du Conseil de l’Europe reconnaissent les passeports expirés et ne demandent pas aux exilé·es des documents rédigés au Bélarus. L’expiration de leurs documents d’identité menace d’en faire des apatrides. Les enfants né·es à l’étranger sont particulièrement vulnérables à ce risque. Les sanctions contre le régime de Loukachenko entraînent la fermeture des comptes bancaires des exilé·es dans certains pays. À l’opposé, les sanctions économiques ont peu d’effet sur le régime, déclare Paul Galles. Loukachenko n’est pas complètement isolé en Europe. Le ministre hongrois des affaires étrangères, Péter Szijjártó, est déjà venu trois fois au Bélarus depuis les manifestations de 2020.
L’ancien diplomate bélarussien, Vladzimir Astapenka, déclare que les réfugié·es bélarussien·nes devraient avoir droit à un traitement différent des autres réfugié·es, car le Bélarus fait partie de l’intégration européenne depuis l’Union de Lublin en 1569. Cette date correspond à l’union du royaume de Pologne et du grand-duché de Lituanie, dont les frontières englobaient l’actuel Bélarus. En 2021, lorsque le régime de Loukachenko s’est transformé en trafiquant d’êtres humains en envoyant principalement des ressortissant·es irakien·nes aux frontières de l’UE, les voisins européens du Bélarus justifiaient l’intransigeance de leurs gardes-frontières en soulignant la menace d’une guerre hybride par l’immigration incontrôlée. Cependant, à la demande de l’UE, l’Irak a suspendu les vols vers Minsk pour faire cesser ce trafic. Cela a contribué à l’isolement du régime de Loukachenko. Devant le parlement luxembourgeois, le représentant spécial sur les migrations et les réfugiés du Conseil de l’Europe souligne que nous devons également prendre en compte les réfugié·es extra-européen·nes venant par exemple de Syrie ou d’Érythrée.
Frontières en voie de militarisation
Le 27 mai 2024, le ministre polonais de la Défense, Wladyslaw Kosiniak-Kamysz, décrivait le plan « Bouclier oriental ». Ce plan voit la construction de fortifications à la frontière du Bélarus et de l’enclave russe de Kaliningrad pour un total de 2,3 milliards d’euros. Ces fortifications doivent inclure des tours de défense, des fossés antichars et des clairières pour d’éventuels champs de mines. Elles sont dédiées à prévenir une invasion des armées bélarussiennes et russes. Elles rendront également plus dangereux le passage de la frontière par les demandeurs d’asile. En 2017, les demandeurs et demandeuses d’asile pouvaient encore traverser la frontière en train pour déposer leurs demandes en Pologne. En abordant la question des frontières principalement sous un angle sécuritaire, les pays de l’UE cessent de voir les candidat·es à l’asile sous l’angle de la protection internationale. Suite aux mobilisations militaires en Ukraine, le ministre des Affaires intérieurs de Bavière, Joachim Herrmann, appelait à renvoyer les ukrainiens en âge de combattre dans leur pays. Wladyslaw Kosiniak-Kamysz, et son homologue slovaque, Robert Kaliňák, déclaraient être également favorables à cette politique. L’UE est-elle en train de tomber dans le piège d’Alexandre Loukachenko et de Vladimir Poutine ?
Pour sa part, pendant la conférence, l’historienne Alina Koushyk décrit l’imposition de la langue russe dans les théâtres. Les artistes travaillent dans une situation totalitaire. Le ministère de la Culture bélarussien met en avant l’identité « commune » entre la Russie et le Bélarus. L’identité bélarussienne est déconstruite. Elle affirme qu’il s’agit d’un génocide culturel. La langue a une grande importance pour l’identité, souligne le député finlandais Kimmo Kiljunen, qui prend pour exemple la Finlande, et la Palestine. L’écrivain Sasha Filipenko conclut en souhaitant qu’Alexandre Loukachenko soit un jour jugé par la Cour pénale internationale. Celle-ci est aujourd’hui menacée par des tensions géopolitiques dont le droit international pourrait bien être la victime.
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