Dessins
 : Le drôle d’humour 
d’Ad Reinhardt

Après le Konsthall de Malmö, en Suède, le Mudam accueille la plus grande rétrospective d’illustrations de l’artiste américain Ad Reinhardt. Une sélection de près de 300 dessins qui en disent long sur l’Amérique d’après la Seconde Guerre mondiale.

Ad Reinhardt avait renoncé à la couleur avant Pierre Soulages. Dans les années 1960, ses monochromes l’avaient rendu célèbre dans le monde entier. Noires, intensément noires, ses toiles marquaient pour lui comme pour l’artiste français une nécessité. « Il y a quelque chose de faux, d’irresponsable et d’insensé à propos de la couleur, quelque chose d’incontrôlable. Le contrôle et la rationalité sont des parts de la moralité », déclarait-il alors. Radical dans son art, Reinhardt savait aussi être très drôle, avec son regard aiguisé sur le monde.

Car il menait deux vies parallèles. D’un côté, l’artiste avant-gardiste et théoricien plastique. De l’autre, le dessinateur du quotidien. Cette passion du « cartoon » l’habitait depuis l’enfance quand, en classe, il s’amusait à dessiner ses camarades à la manière des comic strips des grands journaux américains. Et c’est en toute logique qu’il en a fait sa vocation.

Ses illustrations et caricatures ont trouvé leur place, dès le début des années 1930, dans des publications comme « Glamour ». Son trait stylisé et original servait à mieux critiquer l’Amérique, mais il y mêlait déjà des collages et autres photomontages, à la manière d’un Pablo Picasso ou d’un Max Ernst.

« Quiconque s’intéresse à la différence entre la peinture et l’image doit regarder le travail d’Ad Reinhardt », a récemment déclaré la peintre sud-africaine Marlene Dumas. « Toute personne qui aime le travail critique sur la peinture mais en même temps apprécie l’humour et l’ironie ne peut qu’aimer Ad Reinhardt. »

Quand on se penche sur ces illustrations, on remarque cette richesse formelle, cette recherche permanente de l’originalité. Même si Reinhardt s’en défendait avec force, convaincu de ne faire que recycler le travail des autres. « Je ne crois pas en l’originalité, je crois en l’histoire de l’art », aimait-il à répéter.

C’est avec une certaine délectation que le visiteur du Mudam peut analyser les dessins proposés pour mieux y voir les lignes d’inspiration. Elles sont nombreuses. Du dadaïsme au cubisme en passant par le constructivisme, il se faisait fort d’utiliser les techniques d’avant-garde pour s’exprimer aux yeux du grand public. Ses dessins, à la puissance visuelle nouvelle, servaient son discours pacifiste et social, au cœur de l’Amérique isolationniste du New Deal.

Ad Reinhardt se plaisait autant dans la création que dans la transmission. Dans sa série « How to Look », réalisée entre 1946 et 1948, il prenait par la main artistes et lecteurs. Sur une page complète, de façon ludique et drôle, il tentait d’expliquer comment regarder, et apprécier, les œuvres contemporaines. Quelques exemples de ce travail se trouvent accrochés aux murs du Mudam. Ils en disent long sur le pédagogue qui a passé les dernières années de sa vie à partager sa passion de l’art auprès des élèves de l’université de Brooklyn. Un établissement populaire, à l’image de l’artiste, qui n’a jamais abandonné son costume de missionnaire. L’exposition du Mudam est là pour rappeler à quel point il menait avec humour et passion cette double vie.

Au Mudam, jusqu’au 31 janvier 2018.

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