L’exposition de James Nachtwey, le photographe de guerre le plus (re)connu du monde, incite à réfléchir sur le médium image, la guerre et le genre humain.

L’histoire et la guerre s’imprègnent sur les corps photographiés par James Nachtwey.
Que certaines des photos de James Nachtwey peuvent choquer, on le savait. L’abbaye de Neumünster aurait pu s’épargner la petite affichette d’avertissement. La guerre, c’est toujours une sale histoire, et la montrer sous toutes ses coutures – dans la terre, comme dans les visages et les corps – n’est pas une affaire d’esthétique. Quoiqu’on puisse parfois rester collé devant une des grandes photos dans le déambulatoire du Neumünster ou dans l’Espace 2 de la galerie Clairefontaine, non par voyeurisme, mais parce que la composition des photos est belle. C’est dû à l’œil de Nachtwey, qui parfois cherche à montrer – intentionnellement ou pas – une image classique et archétypale qui titille notre esthétisme formel d’occidentaux. Comme cette femme africaine, qui pleure son enfant couché sur ses genoux et caché dans les plis d’un linceul blanc : c’est la Madone, la Piéta universelle.
Mais les images que Nachtwey rapporte des zones de crise de notre planète ne sont pas uniquement esthétisantes. Elles racontent des histoires et ne montrent jamais – ou très rarement – l’horreur pure et simple. Les éléments entrent en relation et forcent le spectateur à s’imaginer ce qui se passe, à se montrer empathique face à ce qu’il voit. Ainsi, ses photos échappent au voyeurisme pur et dur. C’est tout le mérite de la photographie de Nachtwey : rendre visible non seulement les horreurs de la guerre, mais aussi leur donner un contexte, une voix.
Car, sans les images, ni la politique, ni le grand public ne connaîtraient ces conflits ou n’en prendraient pas conscience. Que veut dire une épidémie du choléra au Rwanda en 1996 ? Si ce n’est qu’un texte que nous lisons, ou une intervention à la radio que nous écoutons – cela ne nous touchera jamais autant que si nous voyons noir sur blanc les images de corps entassés dans des charniers.
Et c’est cela le plus triste dans l’affaire : que nous avons toujours besoin d’images – de belles images de surcroît – pour que notre conscience agisse et que quelque chose se mette en marche.
A l’abbaye de Neumünster et à la galerie Clairefontaine