THEATRE: Call a drama

Gilles Soeder, actif dans le domaine du théâtre luxembourgeois depuis des décennies, introduit une alternative intéressante aux paresseux : le théâtre à domicile.

woxx : D’où vient l’idée du « théâtre à domicile » ?

Gilles Soeder : Je ne suis pas l’inventeur de ce concept, bien sûr. L’idée m’est venue lorsque j’ai rendu visite à une amie à Nancy. Elle y possède une grande maison dans la banlieue nancéienne. Chaque année en juillet et en août elle y invite des artistes. Et par-là je veux dire de vrais artistes comme je le comprend, pour y jouer des pièces.

C’est quoi un vrai artiste, selon vos critères ?

Un vrai artiste, c’est quelqu’un qui ne regarde pas que le cachet. Qui ne travaille que pour son but. Même si c’est dur. En tout cas, chez cette amie-là, c’était bien la première fois que j’ai vu du « théâtre d’appartement » comme on l’appelle. Et cette performance m’a tout de suite interpellée. Je me demandais par la suite pourquoi une telle offre n’existait pas encore au Luxembourg.

Y a-t-il une demande pour ce genre de théâtre au Luxembourg ?

De mon expérience personnelle je sais que les petits théâtres luxembourgeois comme le TOL ou le Centaure ont parfois même plus de spectateurs par an que les soi-disants « grandes maisons ». Et cela est dû en partie à la proximité entre public et acteurs. En plus, le théâtre à domicile entre dans la logique individualiste de notre temps : Quand vous avez envie d’une chanson, vous la téléchargez sur votre i-pod et quand vous avez envie d’une pièce de théâtre vous la commandez à domicile. Et puis, c’est intéressant aussi pour les acteurs. Imaginez-vous : vous répétez pendant des mois et des mois la même pièce, et puis, après une dixaine de représentations, tout est fini. C’est frustrant comme expérience. Le théâtre à domicile au contraire ne connaît pas ces contraintes, car les pièces peuvent se jouer autant de fois qu’on les commande. Et cela peut couvrir plusieurs années.

Cette approche ne vous force-t-elle pas à vous fixer sur certains genres ?

Les mises en scène sont conçues de façon à ce que la pièce puisse être jouée dans de petites salles. Il n’y a jamais plus que deux acteurs et les requisites sont minimales.

Mais le désir de plaire au public n’exclut-il pas des drames ou des pièces politiques ?

Nous disposons aussi d’autres pièces, qui pourraient être jouées dans ce contexte. Comme une pièce sur Leonard Peltier, le natif américain incarceré depuis presque 25 ans aux Etats-Unis à l’issue d’un procès truqué mis en scène par le FBI et les autorités américaines. La pièce est basée sur les mémoires du prisonnier, qui est toujours en vie derrière les barreaux. Si nous proposons avant tout des comédies, c`est que nous sommes dans la phase de début de notre projet. Avant d’expérimenter, nous voulons présenter d’abord notre concept. C’est pourquoi nous présentons aussi notre programme à la Kulturfabrik.

Pour mettre les spectateurs dans le bain …

Oui, et je pense que le Ratelach est l’endroit idéal pour donner une idée aux gens. C’est un lieu intime et propice aux rencontres.

Vous pensez changer les habitudes de consommation culturelle – en ce cas le théâtre – des luxembourgeois-es ?

En effet, beaucoup de gens m’ont demandé si le prix d’entrée à la Kulturfabrik n’était pas trop bas, comme si une bonne pièce de théâtre ne pouvait pas coûter cinq euros ! C’est aussi l’occasion d’aller voir des pièces pour les gens qui ne peuvent pas se payer un abonnement régulier.

Combien faut-il débourser pour recevoir le théâtre chez soi ?

Les prix s’étalent entre 450 et 1.100 euros. C’est cher à première vue, mais il faut voir aussi que si une association nous passe une commande, et qu’elle organise une centaine de personnes, le prix ne sera que onze euros par tête.

Vous avez déjà des commandes concrètes ?

Elles commencent à affluer petit à petit. La curiosité est là.

Existe-t-il déjà une tradition de ce théâtre à l’étranger ?

Cela se fait dans certaines villes françaises par exemple. Cela dépend toujours de la présence d’acteurs engagés dans ce domaine, qui ne veulent pas à tout prix connaître la gloire des grandes scènes, mais qui ont une vraie passion pour leur métier et aiment la partager. C`est un théâtre de proximité comme on le retrouve également chez le théâtre de rue.

Le théâtre pour vous c’est quoi ?

On va au théâtre pour se faire raconter une histoire. Mais la grande différence entre une pièce de théâtre et le cinéma est qu’on vit l’histoire pendant qu’elle se raconte. Au cinéma, vous ne voyez que le résultat d’un long travail certes, mais qui reste toujours le même. En ce qui me concerne, j’ai fait partie du milieu culturel depuis mon enfance. J’étais même le premier CAT – ou DAT comme on l’appelait à l’époque – pour le théâtre du Centaure. C’est là que j’ai fait mes premières expériences. Sinon, j’ai fait mes études au conservatoire, et même fréquenté un stage avec le mime Marcel Marceau, qui fût une vraie révélation pour moi. Surtout qu’à l’issue de la formation, il m’a confié qu’il pensait que je devais absolument rester dans le milieu du théâtre. Sinon, j’ai joué au TOL pendant un certain temps.

C’est-à-dire qu’organiser des pièces de théâtre est pour vous une expérience totalement nouvelle ?

Oui, mais je pense que cela vaut le coup. Pour les artistes qui peuvent jouer dans des environnements nouveaux, ce qui du coup leur permet aussi de faire beaucoup de nouvelles expériences mais aussi pour le public. Surtout celui que nous visons, celui qui n’a pas l’habitude d’aller au théâtre et je crois qu’il est nombreux.


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