SCULPTURES: Les conteneurs à tabous

Artiste à scandales, travesti mais hétérosexuel, introverti mais connecté au monde, tels sont les lignes entre lesquelles oscille l’oeuvre de Grayson Perry, dont on peut voir l’exposition « My Civilisation » au Mudam.

La pièce qui contient l’expo pourrait aussi bien être un salon victorien – si on consent à faire abstraction des murs blancs et de l’architecture postmoderne du Mudam. Vases, poteries diverses, vieilles cartes ou gravures racontant des batailles glorieuses du passé ainsi que des vêtements sortis tout droits d’un film de Disney donnent à tout un air familier. Ce n’est qu’en se penchant sur les détails qu’on se rend compte des horreurs qui sont le moteur sous-jacent de l’oeuvre de Grayson Perry. Des scènes de viol et de sodomie décorent certains vases, le kilt multicolore montre un cauchemar apocalyptique. Mais Perry est loin d’être un provocateur cynique qui ne mise que sur l’effet choc de ses oeuvres. Même s’il n’est pas dépourvu d’humour, Perry reste humain, très humain même. S’il a choisi comme supports des articles que l’on peut trouver dans chaque foyer familial, c’est avant tout pour rapprocher l’art contemporain du citoyen lambda.

Le fil rouge de son oeuvre s’appelle Alan Measles. Ce curieux monsieur est la peluche de son enfance, la seule personne de confiance du jeune Perry. On le trouve dans les détails de presque chaque vase, comme une empreinte, une signature ou une conjuration du mal. Il y a aussi une oeuvre dédiée à Alan Measles, qui trône au milieu de l’exposition : un reliquaire avec une figurine représentant l’ours en peluche, rappelant des temples miniatures bouddhistes ou shinto.

Perry est un de ces rares artistes qui ont su constituer un vocabulaire bien à eux, sans pourtant tomber dans la répétition qui aboutit à un « branding » commercial de l’oeuvre. Car ses créations restent toujours ouvertes au monde, comme le dit le titre « My Civilisation » qui est moins un clin d’oeil aux usagers du web 2.0 que la preuve du lien de l’artiste au monde qui se téléscope dans son oeuvre. C’est aussi ce qui explique les slogans engagés qui se trouvent dans certaines oeuvres comme « This artwork will boost the local economy ».

Autre particularité de Perry : Claire. Son alter ego féminin a toujours fait un peu scandale, même si – ou peut-être justement – parce que l’artiste est marié et père d’une fille. Mais c’est, comme il le dit lui-même, pour se procurer le droit d’agir en féminin qu’il a ajouté ce personnage à son cabinet et non pour des raisons personnelles.

Ainsi Perry est un de ces artistes qui réclament le monde entier et il le lui rend bien.?


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