« L’image sociale de l’Arbed » – un titre qui devrait laisser rêveur à une époque où les termes de « social » et « entreprise », ne se croisent presqu’exclusivement que quand il est question de mettre des employés à la rue et de briser des vies. Et pourtant, il fut une époque où une firme était plus qu’une machine à fric anonyme et immonde. Cette vision, cette auto-fiction d’une entreprise qui a façonné le destin du Luxembourg – et pas seulement du bassin minier – à tout jamais, est exposée en ce moment dans les salles de la Fondation de l’Architecture et de l’Ingénierie à Luxembourg-Ville. L’histoire de ces aquarelles et photographies est aventureuse : en 1996, le Fonds du Logement acquiert une maison ayant appartenu à l’Arbed. Dans la cave, les collaborateurs mettent la main sur une multitude de tableaux illustrant les projets sociaux de l’entreprise. Jusqu’à aujourd’hui leur origine n’a pas pu être spécifiée, mais vu leur mauvais état – dû à l’humidité – les tableaux ont été confiés à une restauratrice.
Leur contenu nous mène droit à une autre époque. Sont visibles des clichés argentiques de l’intérieur de la maison d’enfants à Dudelange, savamment baptisée « Préventorium », ce qui illustre déjà l’approche paternaliste de l’Arbed face à la masse de ses ouvriers. On y voit des hordes d’enfants dans des classes en plein air, de jeunes filles prenant leur bain dans des bassins en bois. Mais aussi des bâtiments vides pénétrés de lumière devant illustrer la bonté et la classe de l’Arbed qui veille à ce que les enfants de ses travailleurs soient bien entourés et bien gardés – en même temps, c’est un excellent stratagème pour les garder au sein de l’entreprise. Car si une grande entreprise comme l’Arbed donnait sans compter pour ses ouvriers, c’était aussi pour acheter la paix sociale.
Sont exposées aussi des aquarelles qui montrent les plans des maisons que l’Arbed fit construire pour ses ouvriers et employés. Quiconque parcourt le sud du pays et surtout des anciens et encore actuels sites sidérurgiques comme Dudelange, Differdange ou encore Esch-sur-Alzette, connaît aussi les « Arbedskolonien », ces pâtés hermétiquement clos de petites maisons identiques. Ces cités ouvrières organisées autour de leur propre axe et striés d’une multitude de petits chemins de traverse que seuls les habitant-e-s connaissent. C’est tout de même une expérience un peu spéciale de vivre dans une telle cité et de savoir que la maison du voisin est exactement la même que la vôtre. Cela crée des liens spécifiques et aussi de la solidarité – tout le monde est à la même échelle. Pourtant, il serait naïf de croire que l’Arbed n’avait pas pensé à la société en termes de classes : les maisons des employés se distinguent de celles des ouvriers sur plusieurs points. Elles sont plus spacieuses et surtout ne comportent pas d’étable, chose dont les travailleurs de bureau n’avaient pas vraiment besoin à ce qu’il paraît, c’est un détail qui aujourd’hui fait sourire et nous signifie clairement que cette époque est bel et bien révolue.
En bref : « L’image sociale de l’Arbed » est un voyage dans le temps, qui ne nous permet pas de dire qu’avant tout était meilleur, sinon que les temps ont bien changé et que les quelques libertés que les ouvriers ont su gagner depuis ont été payées à un prix très élevé.
« L’image sociale de l’Arbed », à la Fondation de l’Architecture, jusqu’au
21 février.
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