Que l’art de Foni Tissen soit resté longtemps présent dans la sphère publique, la plupart l’ignore. Pourtant, le logo de la Protection Civile est une oeuvre de l’artiste protéiforme que fût Tissen. Tout comme de nombreux autres timbres et motifs que l’artiste a produits au courant de sa vie tumultueuse. Mais il y a encore un autre côté chez Tissen, dont le public a rarement conscience : son oeuvre empreinte de surréalisme. Même s’il s’agit d’une variante très personnelle de ce courant artistique et même si Tissen ne fût jamais membre du club exquis autour du poète parisien d’André Breton, il était bien le seul peintre de notre pays à revendiquer l’ouverture que le surréalisme imposa à nos façons de percevoir l’art.
Mais commençons, comme l’exposition, au début de la carrière de ce peintre d’exception. Né à Rumelange, ville ouvrière aussi rouge par le paysage que par les politiques qui l’ont gouvernée, Tissen a connu – pendant la première partie de sa biographie du moins – une véritable existence de globetrotter. De ses années de lycée à Nancy, en passant par l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts parisienne – où il se lia d’amitié avec le peintre et sculpteur luxembourgeois Auguste Trémont – puis Munich pour atterrir à Bruxelles, sans oublier un tour du monde de plusieurs années entamé en 1929, Tissen a sûrement retenu l’importance de l’expérience d’autrui. De plus, il démontra que pour un artiste luxembourgeois en quête de succès, de longs séjours à l’étranger s’imposent. Après l’exposition universelle de New York en 1939 où il expose ses toiles, retour au Luxembourg, bientôt occupé par l’Allemagne nazie. Comme il n’apprécie pas la barbarie allemande, il participe à la grève de 1942 et est déporté à Hinzert, où il côtoie entre autres le sculpteur Lucien Wercollier. Après la guerre, il reprend sa carrière de professeur de dessin au lycée de garçons à Esch-sur-Alzette, jusqu’en 1972. Il meurt en 1975.
L’oeuvre de Tissen peut être divisée en trois phases différentes : les travaux du début où transparaît l’énorme talent technique du peintre, les tableaux « surréalistes » et les oeuvres commandées. Pour la première catégorie, on ne peut que noter qu’ils sont techniquement parfaits et que Tissen semblait avoir une nette préférence pour les régions du Sud de notre pays et surtout sa ville natale de Rumelange. La deuxième est de loin la plus intéressante. Si les tableaux sont indéniablement d’inspiration surréaliste, ils comportent aussi une dimension personnelle. Très personnelle même, puisque l’autoportrait domine dans les compositions de Tissen. Autoportraits souvent proches de l’autodérision, mais évoquant aussi les peurs qui régissent le for intérieur de l’artiste, comme celle de devenir aveugle par exemple. Tissen n’a pourtant jamais épargné celles et ceux qui l’entouraient, que ce soient les commères de son village, les critiques ou les politiques.
Il était un artiste qui ne cherchait pas vraiment le compromis, car il le trouvait déjà dans ses toiles. Composées en équilibre parfait dans leur finition, ces toiles « surréalistes » sont aussi un moyen pour démarquer Tissen d’autres artistes de ce courant. Ainsi, ses tableaux sont tous chauds, tant par les couleurs que par les visages, souvent riants – à la grande différence de son confrère belge Paul Delvaux, dont, encore aujourd’hui, la froideur des peintures fait reculer les spectateurs. La troisième matière, les oeuvres commandées, sont certainement les plus connues de Tissen, mais cela ne veut pas dire qu’elles soient de moindre qualité. Au contraire, Tissen semble aussi avoir compris avant l’heure les bienfaits de la reproduction à l’infini d’oeuvres artistiques, ce qui leur permettait de trouver leur place dans l’inconscient collectif – thèse warholienne avant l’heure.
En tout cas, une visite de l’exposition rétrospective de Foni Tissen n’est pas du temps perdu et permet de (re)découvrir un des artistes luxembourgeois importants du 20e siècle.
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