(lc) – Le 17 juin, le Casino-Forum d’art contemporain organisait – sous le parrainage de notre joli petit hebdomadaire – un débat sur le thème « Eis national Kënschtler gi vun de lëtzebuergesche Kulturinstitutioune vernoléissegt ». Une motion controverse qui a suscité un débat pas vraiment contradictoire, mais aux tournures parfois surprenantes. Les participants étaient divisés en deux partis : l’un d’accord avec la motion, l’autre en opposition. Parmi les défenseurs des insitutions culturelles luxembourgeoises on trouvait Kevin Muhlen, le directeur artistique du Casino et Hans Fellner, intellectuel et propriétaire d’un magasin de livres d’art. Du côté de ceux qui se sentent délaissés par les institutions se rangeaient les artistes peintres et plasticiens Roland Quetsch et Jean-Marie Biwer, représentant respectivement l’ancienne et la nouvelle garde artistique du cru. La modération et l’arbitrage étaient organisés par Vincent Wilwers et Marc Baum.
Pour le dire d’emblée : les règles assez strictes du « debating » à l’anglo-saxonne n’étaient que difficilement transposables auprès du public luxembourgeois. En d’autres mots : non, il n’y a pas eu de vainqueur cette soirée-là, un peu comme pour la majorité des matchs de la Coupe du Monde jusqu’à présent. La seule règle à être appliquée à la lettre était celle des temps de parole impartis aux intervenants.
Une synthèse de cette bataille des mots pourrait être que les jeunes – Kevin Muhlen et Roland Quetsch – étaient un peu mous. En ce qui concerne le premier, il a certes bien fait son match et défendu bec et ongles le concept de sa maison et a énuméré les mille et une façons de se faire subventionner au Luxembourg, pourtant on n’a pas pu s’empêcher de penser à un speech de bureaucrate, sans réelle
passion – un gérant en quelque sorte. Pour Roland Quetsch, c’était plutôt le hors-sujet qui dominait ses interventions : le spectateur a eu droit à une biographie de l’artiste, ponctuée de ses déboires et des difficultés à vraiment vivre de son art. Mais en fait, il finance sa vie aussi par un emploi de chargé de cours et se range par cela dans la tradition bien luxembourgeoise du « professeur-artiste ».
La vraie provocation venait des rang des anciens. D’abord Hans Fellner, qui a tenu à lire un texte préparé à l’avance, dans lequel il fustigeait l’attitude souvent moribonde des artistes luxembourgeois et les appelait à montrer un peu plus d’audace (« Fickt uns wenn ihr wollt »). Il estimait que l’Etat ne délaissait pas « ses » artistes, mais que tout au contraire, il les étouffait dans une culture sur-subventionnée. Pourtant, en les appelant à se plier aux lois du marché, il a révélé sa vraie nature : celle d’un marchand. Alors qu’art et lois du marché ne font pas toujours le meilleur des mélanges.
L’intervenant le plus impressionnant était sans doute Jean-Marie Biwer. Certes, le peintre n’a également pas épargné au public quelques mésaventures qu’il a connues avec les institutions – comme celle d’une commande réalisée pour le Mudam qui ne lui a ramené aucun cent – mais sans tomber dans le misérabilisme de son jeune acolyte Roland Quetsch. Pour lui, la vie d’un artiste est surtout faite de compromis et attendre une prise en charge intégrale par les institutions culturelles n’y appartient simplement pas. « S’il le faut, je peints quelques aquarelles de bourgs et de châteaux qui se vendent – simplement pour financer mes autres projets », a-t-il expliqué sa démarche.
Finalement, cet épisode du « Casino Debating » aura été aussi subjectif que l’art lui-même. Mais quoi attendre d’autre d’un sujet qui implique surtout les individus face à la bureaucratie culturelle qui prend de plus en plus des airs kafkaïens ?
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