INSTALLATION: L’optique refaite

Une fois encore, la petite galerie Zidoun à Luxembourg-Ville nous fait découvrir une artiste américaine qui n’a pas encore fait ses preuves sur le vieux continent. Après Luis Gispert dans une récente exposition, c’est au tour de Devorah Sperber de se présenter au public grand-ducal.

Les oeuvres de Sperber interpellent surtout par leur multifonctionnalité : il y a par exemple dans le contenu, ou plutôt dans le choix des motifs une certaine filiation avec le pop art, qui semble aussi bien voulue qu’assumée. Pour ses « Iconic Visions », Devorah Sperber s’est en effet tenue à reproduire des icônes plus que connues. On a ainsi droit à une Marilyn Monroe ou à la Joconde.

Pourtant, ces images iconiques ne sont pas reconnaissables du premier clin d’oeil. Et cela pour deux raisons : elles sont montées à l’envers, un peu à l’image des tableaux de Georg Baselitz, mais pas pour les mêmes raisons. Et puis, ce ne sont pas des tableaux à proprement parler. L’artiste n’utilise en effet aucun tube de peinture pour concocter ses images, mais elle les a composées de bobines de fils coloriées – oui, tout à fait, celles qu’on met dans les machines à coudre.

Cette technique, sans doute laborieuse, lui permet de créer un effet de flou qui met d’abord mal à l’aise. L’oeil tâche d’abord de reconnaître une structure, un motif qui lui permet de construire l’image qu’il contemple. Mais le flou et l’inversement aidant, ce n’est qu’au bout de quelques secondes que se produit le déclic et que le cerveau reconnaît l’icône ainsi cachée – laissant un sentiment d’instabilité chez le spectateur.

Mais ce n’est pas tout. Devant chaque tableau est installé une petite boule en verre, qui appartient à l’oeuvre en même temps qu’elle permet une troisième lecture de celle-ci. Car, si on regarde à travers la boule, on ne voit pas forcément le futur, mais l’icône rétablie : l’image apparaît du bon côté et elle est compacte : le flou a disparu totalement.

Ainsi, Devorah Sperber réussit de façon artisanale – ce qui impose tout de même le respect à l’époque du tout digital – à montrer, ou à mettre en scène trois approches différentes d’un tableau. Elle démontre ainsi non seulement que notre regard sur l’art et les images est en permanente mutation, mais aussi que ces images ont un poids énorme dans notre subconscient.

En effet, le choix de réaliser ses tableaux en y mettant des icônes est tout sauf innocent : par le double effet du floutage et du renversement de l’image, Devorah Sperber démontre l’ancrage de ces images dans la tête de tout un chacun. C’est donc voir l’icône comme une chose qui réunit – car on ne peut pas ne pas connaître ces motifs – mais qui en même temps révèle la vacuité des icônes modernes. Elles sont devenues tellement connues, qu’elles en ont perdu tout contenu, ne reste que leur extérieur, leur marqueur dans la forêt des signes.

En tout, Sperber réussit avec des moyens aussi simples qu’inhabituels à introduire une réflèxion philosophique et sociétale sur l’imagerie contemporaine.

A la galerie Zidoun, jusqu’au 23 décembre.


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