A la galerie Clairefontaine, la nouvelle année débute sur une note politique. « Observed », comme le jeune peintre viennois Stylianos Schicho a baptisé son exposition, est un retour aux sources de la peinture expressionniste et politique des années 1920. Dans quelques-uns de ses tableaux, on se sent proche des fantaisies morbides d’un Otto Dix par exemple. Pourtant, les oeuvres de Schicho se distinguent sur quelques points de celles de ses ancêtres.
D’abord, on voit que le 20e siècle est passé par là : le pop-art bien sûr, mais aussi le manga japonais et les nouvelles technologies. Alors que sa facture reste très classique, Schicho introduit discrètement des éléments dérangeants dans ses compositions. Comme par exemple les yeux de ses personnages. D’un côté, ils évoquent les yeux de caractère manga par leur taille, de l’autre – le spectateur attentif le verra assez vite – ils sont presque tous identiques. Ce qui dérange surtout quand on se rend compte que cette analogie vaut aussi pour les singes qui se promènent dans plusieurs tableaux. L’élément le plus marquant des yeux peints par Schicho reste pourtant la perspective. Tous les personnages, aussi occupés soient-ils, jettent des regards hagards hors du cadre de la peinture. Non pas qu’ils fixent le spectateur, mais il semble qu’ils cherchent quelque chose plus au loin, derrière ou à côté de celui qui regarde.
Cette impression est encore renforcée par la composition des tableaux dans lesquels plusieurs personnes sont souvent représentées de façon très rapprochée, mais pas sexuée. C’est plutôt comme dans une rame de métro surbondée ou dans un appartement minuscule. Les gens sont plaqués les uns contre les autres et ne se distinguent que par les choses qu’ils tiennent en main, qui sont généralement des attributs de la vie moderne comme des portables touch screen, des manettes de Play Station, etc?
Cette façon de dépeindre le monde par le biais de portraits ouvre des perspectives intéressantes. Ainsi, Schicho dépeint l’espèce humaine comme mal dans sa peau et surtout dans son temps. Un présent qu’on a de plus en plus de mal à assumer, un présent rongé par les mille et uns gadgets dont on s’entoure volontairement et enfin un présent qui a peur du futur. En ce sens, les tableaux de Stylianos Schicho captent à merveille notre époque et notre société occidentale qui ne semble (sur)vivre que sur sursis, entre deux catastrophes : celle du passé et celle qui nous attend encore. Le lien avec le passé est symbolisé par les singes qui apparaissent dans certaines peintures. Et là aussi le lien est plutôt inquiétant, non seulement les yeux des singes peints sont identiques à ceux des humains, mais toute leur morphologie ressemble à la nôtre – la seule différence possible réside dans la pilosité.
En croquant ainsi notre époque dans des traits classiques mais dans des compositions remplies de cynisme et de négativisme, Stylianos Schicho démontre une fois de plus que le défi le plus important de l’art contemporain est de se reconnecter au monde et de s’impliquer dans ce qui se passe.
A la Galerie Clairefontaine, encore jusqu’au 18.2.
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