MODE: Mode de vie

Avec son label de mode « Belle Sauvage » qu’il gère avec sa compagne Virginia Ferreira, le Luxembourgeois Christian Neuman est parti à la conquête du marché de la mode européen, mais aussi asiatique. Le woxx s’est entretenu avec lui lors d’un passage au pays.

woxx : Comment est-ce que vous avez commencé à vous établir dans le monde de la mode ?

Christian Neuman : La première chose que nous avons faite, c’était d’imprimer mes dessins sur de la soie en 2006. C’était à Londres et ça a fonctionné dès le début. J’étais encore dans la dernière année de mon master. Mais ce n’est qu’en 2008 que nous avons fondé Belle Sauvage, en vue de nous professionnaliser.

Aviez-vous prévu de vous professionnaliser avec votre label dès le début ?

Nous voulions travailler à deux et réunir nos talents. L’intéressant, c’était que nous avons connu le succès dès le début. Nous avons même immédiatement eu un agent. Ce qui est une chose assez rare, car dans la mode, c’est comme dans la musique, si tu cherches un agent, tu ne le trouves pas. Mais, si par contre un agent vient vers toi, c’est bon signe. Nous étions donc assez vite connus dans la presse spécialisée, les gens ont commencé à mettre nos vêtements et nous avons pu organiser nos premiers fashion shows.

Mais entre-temps vous avez quitté Londres.

Oui, nous sommes allés nous établir en Chine, qui est devenu notre marché principal. En ce moment, nous commençons aussi à être présent dans la Chine de l’intérieur – avant, c’étaient plutôt les anciennes colonies comme Macao, Hong-Kong et aussi Singapour. Mais aussi en Malaisie, où nous venons d’organiser un show. Notre succès en Asie est assez étonnant et je me sens toujours encore un peu dépaysé là-bas. Par exemple, quand on nous dit qu’une telle ou telle célébrité a été vue dans une de nos créations et que je n’ai franchement aucune idée de qui il s’agit. Ce succès s’explique tout de même aussi un peu par la crise qui a frappé la branche de la mode européenne. Une crise qui n’affecte pas seulement les chiffres, mais aussi les créations : on ose de moins en moins pour être sûr de vendre.

Dans quelle sorte de magasin peut-on vous trouver en Asie ?

Il y a des Department Stores qui vendent nos vêtements. Et puis aussi dans des Concept Stores, plus spécialisés, puisqu`après tout, Belle Sauvage n’est pas vraiment mainstream. Mais c’est un système qui ne fonctionne pas que du côté asiatique : on peut nous trouver à Londres, Paris, New York et aussi à Milan.

Où est-ce que vous produisez vos vêtements ?

En fait, nous avons deux marques différentes : Belle Sauvage – la marque principale, qui est presque de la haute couture – est produite en Angleterre, à Londres. Notre deuxième marque, Leopard, a longtemps été créée à Londres, mais nous venons de la déménager en Espagne. Mais les conditions de travail sont correctes dans les deux endroits, c’est très important pour nous. Même si cela influe aussi sur le prix des produits, nous préférons que les gens qui produisent nos vêtements travaillent dans de bonnes conditions. Et puis, c’est aussi l’empreinte carbone qui s’améliore si tu ne produis pas aux quatre coins de la planète juste pour économiser quelques frais.

Point de vue prix : combien coûtent vos créations ?

Les vêtements de la marque Belle Sauvage coûtent en moyenne 1.300 euros en magasin, mais ça peut descendre jusqu’à 700 euros. Et chez Leopard, ça commence vers les 150 euros et ça peut aller jusqu’à 600 euros.

Pourriez-vous vous imaginer faire une ligne de mode pour une chaîne de grande distribution comme cela a été le cas récemment ?

C’est effectivement assez à la mode en ce moment. Mais je ne crois pas que nous soyons assez connus pour cela. Ces chaînes n’approchent que les plus grands de la branche et j’imagine que des sommes incroyables sont en jeu. Mais nous restons ouverts à toute sorte de collaboration. Pourtant, notre priorité du moment reste le branding, rendre notre marque encore plus connue. C’est pourquoi nous investissons tous nos bénéfices dans des actions de presse et des fashion shows.

Mais ça suffit pour en vivre ?

En ce moment, nous pouvons en vivre. Ce qui est vraiment chouette, c’est que vu qu’on vient de se réinstaller au Luxembourg pour le moment, nous avons ouvert un petit studio et nous venons d’engager deux assistants pour nous aider. Et notre prochain but est de montrer nos créations à Paris lors des grands défilés de mode. Nous venons d’ailleurs d’établir quelques contacts. Le hic, c’est que cela nous coûtera beaucoup d’argent. Et je veux aussi commencer à mettre un peu d’argent à côté. Mais je pense qu’être montré à Paris nous aidera beaucoup à avancer.

Tu veux t’établir pour une longue durée au grand-duché ?

Pour les trois ou quatre ans à venir, je serai ici. Après, il faudra que je prenne une décision. Car il n’y a pas de grand marché ici, même si deux magasins de la capitale vendent nos créations. Mais ce qui est génial avec une marque, c’est qu’un jour tu te réveilles et tu constates qu’elle est devenue plus grande que toi, qu’elle se met à te dépasser. Et c’est ça qui m’intéresse prioritairement : faire la marque, car vu que je sais aussi faire des films et des photos, j’ai tout en main et je peux contrôler notre image.

Le film de mode, c’est ton truc ?

Absolument. Pour moi, c’est une sorte d’oeuvre d’art, ça me rappelle par exemple des films expérimentaux des années 1910 voire 1920. Tu peux créer quelque chose à partir de presque rien et à la fin être surpris par tes propres résultats. Et puis je connais le préjugé sur la superficialité du monde de la mode. Mais, ça ne m’affecte pas vraiment, puisque pour moi, c’est de l’art et en même temps un mode de vie. Quand tu mets un certain vêtement, tu fais en même temps une déclaration, et cela reste valable dans le village le plus reculé de la planète. De plus, question mode de vie, c’est aussi ce que j’aime dans cette branche : les rencontres avec des gens très sophistiqués qui – même s’ils viennent d’horizons très différents – partagent tous une certaine joie de vivre, un certain hédonisme. Même si cet hédonisme peut aussi avoir ses côtés obscurs.

Comment travaillez-vous ensemble ?

Au début, chacun fricote un peu dans son coin et fait des dessins sans les montrer forcément à l’autre. Et puis, dans une deuxième phase, on met tout ensemble et on dégage les lignes communes de nos créations. Lors de cette étape on évacue évidemment aussi certaines idées, mais l’essentiel reste. Ce qui est souvent drôle, c’est que même si nous n’avons pas vu ce que fait l’autre, beaucoup de créations se complètent presque instinctivement. C’est certes dû aussi au fait que nous vivons ensemble et que nous avons les mêmes inspirations – la rue essentiellement. Même si les choses sont un peu en train d’évoluer : avant, nous ne regardions presque pas les grandes tendances de la saison. Cela s’explique aussi parce qu’avec nos premières collections, nous avons forgé certaines tendances. Mais aujourd’hui, nous essayons de suivre un minimum les couleurs et les autres tendances.

A part la mode, tu es également créatif dans d’autres domaines.

Oui, je commence aussi à me faire connaître un peu au Luxembourg en tant que peintre. Il y a d’ailleurs déjà des gens qui me collectionnent. Je veux bien sûr profiter de mon passage ici pour développer cette autre discipline. Et puis je me lancerai bien dans la production de films, quelque chose qui m’intéresse depuis longtemps, car depuis la production de « She. He. It » en 2005, je n’ai presque que travaillé pour la mode.

Plus d’infos : www.belle-sauvage.co.uk/


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