EXPOSITION DE GROUPE: Trois totems

La nouvelle exposition de la galerie Zidoun commence par un leurre. Celles et ceux qui s’étaient attendu-e-s à une oeuvre de leur barde gothique préféré seront déçu-e-s : l’artiste en question s’appelle bien Nick Cave, mais il n’est pas à confondre avec le chanteur des Bad Seeds. Ce Nick Cave-ci est un ancien danseur dont le passé hante toujours les sculptures. En effet, la sculpture qu’il expose dans la première salle de la galerie rappelle étrangement les costumes de danse : hauts en couleur et très proches du corps. Mais au lieu d’être libéré par les mouvements, le corps humain est ici enfermé dans une cage – qu’il porte sur ses épaules – composée d’éléments kitsch à souhait. C’est donc une critique implicite de l’introspection excessive de notre société que l’homonyme du célèbre chanteur met en scène dans sa sculpture grandeur nature.

Si d’habitude la galerie Zidoun a une prédilection pour les artistes américains, elle semble avoir fait une exception pour MR. Cet artiste japonais qui s’inspire du mouvement des « otaku » – les obsédés de mangas, jeux et poupées japonaises, qui substituent petit à petit leur réalité à la fiction en vivant un maximum de temps dans un monde irréel – propose une sculpture provocante. On reconnaît avant tout une figure qui pourrait être issue d’un manga : tête disproportionnée par rapport au reste du corps, yeux encore plus grands et cette expression béate dans le visage. En y regardant de plus près, on reconnaît que le personnage, en l’occurrence un jeune garçon, a le pantalon baissé et on voit sa petite culotte rose. Cette perversion se reflète dans les yeux de la sculpture, dans lesquels on peut voir des scènes de bandes dessinées. Ainsi, l’écart entre réalité et désir de ne vivre que dans la fiction est concentré et dénoncé à la fois par la même sculpture.

Le dernier des trois artistes, et non le moindre, est Titus Kaphar. Ce jeune Américain a sa propre méthode pour questionner l’histoire. Sa façon de procéder est simple en apparence, mais peut atteindre des degrés de subtilité inattendus. Dans une première phase, il peint des répliques de portraits ou de tableaux du 18e ou 19e siècle. Ensuite, il en découpe des éléments pour les mettre en relation avec des objets installés devant le tableau. Dans ce cas, un lord anglais, dont il ne reste que l’ombre découpée dans le tableau, a fini, sous le regard ahuri de son chien de chasse, dans une poubelle auprès de laquelle sont placés des outils et un bleu de travail. Cet art politique qui se sert aussi de la technique du cut-up, mais de façon innovante, est définitivement l’oeuvre la plus rafraîchissante de l’exposition.

Une belle exposition en somme, qui vaut le coup, car même si elle est petite, elle donne à voir trois artistes très différents, mais brillants à leur manière.

A la galerie Zidoun, jusqu’au 10 janvier 2013.


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