Les révélations autour du SREL et de ses manigances n’inspirent pas vraiment confiance dans le sommet de l’Etat. Il semble plutôt que ce dernier n’a plus toute sa tête.
Alors, est-ce une disquette ou un CD que les services de renseignement (SREL) prétendent avoir reçu d’on ne sait pas vraiment qui ? Il s’agit bel et bien d’un CD – et c’est bien la seule information sûre qu’on peut tirer de tout ce qui s’est abattu sur nous ces dernières semaines. Son contenu ? Des chiffres indéchiffrables (probablement même des 1 et des 0) et dont on ne sait pas encore si un de nos experts – ou un étranger – saura les faire parler. D’ailleurs, même si quelqu’un réussissait à trouver le bon code, il n’est pas encore certain s’il y trouvera grand chose, puisque selon le député vert François Bausch, qui préside actuellement la commission parlementaire de contrôle du SREL, il se pourrait bien que ce fameux disque ne soit qu’un leurre et qu’il ne contienne même pas un fichier audio. Tant pis pour la discussion haute en couleurs entre le grand-duc et le premier ministre à propos du « Bommeleeër » et une éventuelle implication du prince Jean. Du moins, cela aura servi à l’avocat de la défense des deux ex-gendarmes inculpés de ressortir l’aristocrate du tiroir et de rejouer la carte de la conspiration dans les plus hautes sphères de la société luxembourgeoise.
Fichtre ! Et tout ça pourquoi ? Un quiz pour nous faire passer l’attente avant Noël ou une opération de diversion face aux affreuses nouvelles qui nous viennent du monde de l’économie et des finances ? C’est à méditer, même s’il faut se garder de ne pas tomber dans le piège des théories de la conspiration. Tout ce qu’on sait, c’est que Juncker ne profite plus vraiment de la confiance de ses propres services. En admettant avoir été écouté par Marco Mille, il s’est en sorte décapité lui-même. Un chef de gouvernement qui perd le contrôle de ses services secrets, cela peut être dangereux, du moins dans d’autres parties du monde. Mais il y a plus scandaleux encore, comme le fait que la commission parlementaire ait accepté de ne pas rendre public ce scandale, à cause des élections de 2009 qui étaient très proches au moment où l’affaire Mille a eu lieu. Cette commission qui a le devoir de contrôler de manière un tout petit peu plus démocratique le SREL s’est donc tue pour ne pas faire vaciller politiquement le pays. Dans d’autres pays, tous les députés d’une telle commission auraient été confrontés à des conséquences plus graves. Sauf au Luxembourg, où cette même commission vient d’avouer à demi-mot son incompétence, en grognant les services secrets pour leur manque de coopération et le lot de semi-vérités, voire de mensonges, qu’ils distillent lors des séances.
Certes, taper du poing sur la table était le bon geste dans une telle tragi-comédie. Pourtant, on peut se demander s’il n’est pas intervenu bien trop tard, maintenant que toute la classe politique et des pans entiers de la société qui s’intéressent encore au dossier « Bommeleeër » sont tellement agités qu’ils courent dans tous les sens comme des poulets fraîchement décapités. Mais le pire, c’est que le poseur de bombes n’est plus le souci principal – de toute façon, la lumière ne sera jamais faite sur cette affaire – mais c’est le fonctionnement de la démocratie luxembourgeoise qui est en cause. En d’autres mots : il serait grand temps de nettoyer le SREL et pourquoi pas de le liquider tout simplement, puisque sa principale mission se résume à obstruer le bon fonctionnement transparent du pays.