Kauffmann Nadine: J’ai tout pris en main

Nadine Kauffmann, jeune prof de saxophone, savoure le plaisir de jouer et celui d’enseigner. Mais elle voudrait aller plus loin et est tentée par une carrière de soliste.

Nadine Kauffmann, une saxophoniste passionnée qui sait franchir des obstacles avec une volonté incroyable.
Photo: Christian Mosar

SAXOPHONE CLASSIQUE

Nadine Kauffmann joue du saxophone avec une vélocité et un entrain inouïs au Luxembourg. Amplement nantie de diplômes glanés à Luxembourg, Enschede, Bruxelles et Strasbourg, elle a tout naturellement décroché le poste de professeur au Conservatoire d’Esch-sur-Alzette. Mais elle ne veut pas s’arrêter là.

Parallèlement à son activité dans l’enseignement musical, Nadine Kauffmann mène aussi une carrière de concertiste. Elle participe à plusieurs formations de musique de chambre, et les orchestres nationaux et internationaux l’invitent de plus en plus souvent comme soliste. C’est qu’elle fait l’unanimité, comme on a pu le voir encore récemment, lorsqu’elle subjugua un parterre de 500 personnes du milieu musical avec une prestation en solo fulgurante dans laquelle elle tira tous les registres émotionnels possibles.

Repousser les limites

Tout a commencé dans sa prime jeunesse, un peu par hasard: on lui avait, dans la fanfare locale, mis un saxo soprano entre les mains parce que c’était de sa taille. L’affection pour l’instrument ainsi que pour la musique classique ont alors germé spontanément. „Il n’y avait pas de musiciens professionnels dans ma famille. Je ne sais pas vraiment comment est née ma passion pour la musique classique. J’aime cela. C’est beau.“ Elle n’en est pas pour autant fermée à d’autres genres. „J’affectionne la musique contemporaine, pour les espaces de liberté qu’elle offre. J’aime bien défricher des terrains inconnus et repousser les limites techniques du saxophone.“ Le jazz? „J’adore. J’ai pris des cours, mais je n’ai pas le temps de m’y plonger à fond. Mon ami essaie actuellement de s’implanter dans la scène du jazz à Bruxelles. Moi, je ne me sens pas vraiment comme une musicienne de jazz. Je suis peut-être trop organisée pour cette musique. Mais j’adore improviser, jouer librement, sans que ce soit forcément du jazz.“ Et la musique pop? Elle esquisse un sourire. „Adolescente, j’ai trouvé cela trop stupide. Maintenant, je suis moins imperméable à cette musique. J’aime bien Sting, Anastasia, Madonna, …“

La tranquille assurance d’être bien casée, à 25 ans, dans les structures douillettes d’une institution musicale n’a pas tari ses ambitions. „J’espère que tout ne fait que commencer. Je veux et je dois progresser. Tant d’enseignants que je côtoie ne pratiquent plus vraiment leur instrument et ne se produisent plus en concert. Beaucoup d’eux n’ont joué qu’un seul grand concert il y a de cela des années et continuent de rêver toute leur vie de cet événement passé. Au Luxembourg, les bons salaires et la garantie d’emploi aidant, la facilité s’installe rapidement et on doit alors cacher ses faiblesses derrière ses diplômes et ses titres.“

D’un naturel appliqué et généreux, Nadine Kauffmann voudrait cependant changer légèrement d’attitude. Depuis quelques mois, sa vie a radicalement changé. Un accident de la route avait failli briser sa carrière à peine entamée. Gravement blessée aux mains, plusieurs doigts fracturés, elle a dû subir des opérations multiples dont la dernière ne remonte qu’au début du mois de février. Elle s’en est sortie grâce à une volonté de rééducation énorme avec l’aide des spécialistes de l’hôpital Jeanne d’Arc de Toul. „Cet accident m’a appris à évaluer l’importance des choses. Auparavant, j’avais trop d’activités accessoires: organisations de stages, cours supplémentaires, jurys, travaux de secrétariat pour des associations et j’en passe. C’est drôle, alors que je voulais aider tout le monde, j’ai perdu plein d’amis faute de temps privé. Maintenant, je découvre l’égoïsme, et la faculté de pouvoir canaliser les énergies. Et puis, j’ai appris à connaître mes vrais amis qui m’ont soutenue lors de cette période de doute terrible. Mes élèves surtout m’ont redonné du courage“.

Canaliser les énergies

Nadine est enseignante par passion, et non seulement par nécessité économique comme tant d’autres artistes. „Peut-être que j’y étais prédestinée, puisque mon père était instituteur. J’aime sincèrement mes élèves. Non, je ne voudrais pas laisser tomber l’enseignement, même en cas de succès en tant que soliste. Mais avec mon instrument, une carrière exclusive de soliste n’est guère envisageable, cela est plutôt réservé aux violonistes et aux pianistes.“ Et pourtant, elle a un grand projet en chantier. En janvier, elle a enregistré à Riga les grands classiques de la littérature pour saxophone, Glazounov, Ibert et Villa-Lobos, avec le Latvian Philharmonic Chamber Orchestra, sous la direction du chef d’orchestre luxembourgeois Carlo Jans. „J’ai tout pris en main, je voulais avoir le contrôle total de la production: choix de l’orchestre, du répertoire, des photos, du livret, etc … Je ne fais pas ce disque pour gagner de l’argent, mais pour avoir une sérieuse carte de visite sur la scène internationale. Il vaut mieux se lancer immédiatement dans un grand truc que de balbutier un peu par-ci, un peu par-là.“ Ce CD sortira dans quelques mois au Luxembourg chez Artevents, en attendant peut-être une distribution internationale.“ S’y ajoutent divers projets de musique de chambre ainsi que des collaborations futures avec d’autres musiciens, dont le pianiste David Ianni. „Je suis toujours à la recherche de contacts avec les meilleurs musiciens, mais les gens motivés et intéressants sont trop rares au Luxembourg. David, lui, est pourtant de cette trempe. J’ai hâte qu’on commence à travailler ensemble.“

Jitz Jeitz

Nadine Kauffmann se produira ensemble avec l’Orchestre „Les Solistes Européens à Luxembourg“, le lundi, 25 février 2002, à 20 heures au Conservatoire de la Ville de Luxembourg. Au programme, le concerto pour saxophone et cordes d’Alexander Glazounov, opus 109.


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