Jean Reitz est le nouveau directeur de l'“Agence luxembourgeoise d’Action culturelle“ depuis février dernier. Qu’est-ce que cet homme expérimenté et enthousiaste apportera à la culture au Luxembourg?
Le bâtiment qui abrite les bureaux de l'“Agence luxembourgeoise d’Action culturelle“ (ALAC), n’a rien de prestigieux. Mais comme il fait beau, Jean Reitz – né en 1958 à Esch-sur-Alzette, historien de formation, „clarinettiste amateur“, marié, trois enfants – peut recevoir dans un bureau ensoleillé. Celui-ci se situe rue Philippe II, dans un passage où commerce et culture se côtoient sans intimités.
Le nouveau directeur de l’ALAC a pris place ici depuis février, remplaçant un Claude Frisoni – qui s’attaque à de nouvelles tâches dans le cadre fraîchement restauré du „Centre culturel de Rencontre de l’Abbaye de Neumünster“ – bien connu pour ses envolées lyriques en toutes circonstances. Ce plaisir de communiquer se retrouve aussi, dans une certaine mesure, chez Jean Reitz. Ainsi, cet après-midi du moins, répondre à une question tend souvent vers un retour aux sources aussi complet que possible.
„Je peux profiter de beaucoup de mes anciennes expériences en tant qu’animateur culturel régional [qui s’occupait du Sud du pays] pour mon nouveau poste. Les neuf dernières années, j’ai appris à organiser et à suivre des projets culturels en partant de la base, jusqu’à leur finalisation. J’ai, par exemple, travaillé à la conceptualisation de différents centres culturels, comme pour le ‚Maacher Kulturhuef‘, sans oublier mon ‚bébé préféré‘, la ‚Kulturfabrik‘ d’Esch-sur-Alzette. Et puis, il faut ajouter que je ne suis pas vraiment un nouveau venu à l’ALAC. Voilà cinq ans que je contribue à l’organisation du Carnaval des Cultures. L’année passée, j’ai participé de manière intensive à l’organisation de la Semaine capverdienne.“
Agence critiquée
Il cite encore son travail pour la „Mission 2000“ (structure mise en place par le gouvernement pour préparer et coordonner les évènements autour du passage au troisième millénaire) pour reprendre de plus belle: „A côté de ma fonction d’animateur régional, j’étais aussi secrétaire du groupe de travail ‚culture‘ de la Commission régionale. J’ai donc travaillé beaucoup au niveau de la région SaarLorLux et, dans ce cadre, pour des projets européens. Sans oublier mon engagement dans les réseaux européens.“ Cette longue liste d’expériences diverses démontre l’aptitude incontestable de Jean Reitz à prendre la tête de l’ALAC, mais ne dit encore rien sur la direction dans laquelle l’Agence va s’engager dans le futur.
Celle-ci a été critiquée, à plusieurs reprises et de divers côtés. On lui reproche, notamment, de trop s’investir en tant qu’organisateur d’événements (cf. le „Carnaval des Cultures“), et d’en oublier sa mission d’intermédiaire entre les artistes du Grand-Duché et les organisateur-trice-s potentiel-le-s, nationaux et internationaux, de spectacles.
„Il est clair, vu les moyens de l’Agence d’une part, et la taille de sa mission, d’autre part, qu’il devient impossible de satisfaire tout le monde. Claude Frisoni a dû fixer des priorités. Je vais devoir en faire autant. Ces critiques émanent souvent de gens qui ne connaissent, tout d’abord, pas les statuts de l’ALAC. Et puis, il ne faut pas oublier que les ‚patrons‘ de l’Agence sont, à 50 pour cent chacun, la Ville de Luxembourg et l’Etat luxembourgeois. Les nouvelles idées de l’ALAC doivent d’abord passer par ces deux instances et reflètent donc aussi les priorités de la Ville et de l’Etat.“
D’ailleurs, avant de répondre à cette remarque, Jean Reitz avait déjà fait référence à la fonction de conseiller qu’avait prise Claude Frisoni, fonction „dont l’envergure réelle n’est jamais vraiment apparue vers l’extérieur.“
Mais venons-en aux priorités du nouveau directeur de l’ALAC. Encore une fois, Jean Reitz, qui se qualifie lui-même de „généraliste“ quant à ses préférences culturelles personnelles, prend son élan avant de répondre.
„Depuis l’année culturelle en 1995 – une sorte de détonateur pour la scène culturelle luxembourgeoise -, de nombreux changements ont eu lieu. La scène culturelle s’est beaucoup professionnalisée depuis. Ce qui représente une évolution positive, même s’il reste, par exemple dans des domaines comme la photographie ou la danse, difficile de gagner sa vie. Autre phénomène: le Luxembourg réalise en ce moment un programme gigantesque d’infrastructures culturelles. La restauration du ‚Staater Theater‘, l’ouverture, l’année prochaine, du ‚Centre Neumünster‘, et cette année-ci du ‚Centre sportif et culturel‘; en 2006 la ‚Salle philharmonique‘ pourra probablement être inaugurée, entre-temps le musée Pei sera également abouti, … sans oublier la ‚Rockhal‘.“ Qui viendra, elle, sans doute un jour. „C’est certain.“
Rêve des 600.000?
Jean Reitz continue: „Il y aura donc beaucoup de tâches nouvelles qui s’annoncent pour nous et un des rôles les plus importants de l’Agence sera alors d’essayer de transmettre cette nouvelle culture, et celle déjà en place, au public.
Un public que l’on désire voir s’accroître. „Des estimations ont été faites selon lesquelles le public augmentera, jusqu’en 2007, de 250.000 à 600.000 places. Il est évident que cela ne veut pas dire que chaque Luxembourgeois visitera soudain deux fois plus de manifestations culturelles qu’aujourd’hui. Il y a donc un véritable travail à faire pour cultiver, dans le sens positif du terme, un nouveau public et pour trouver une clientèle au delà des frontières luxembourgeoises.“
Rendre la culture plus accessible au public, est donc l’une des tâches principales que Jean Reitz souhaite voir l’ALAC remplir, dans le futur. Les moyens pour y arriver seront, tout d’abord, la mise en place d’une billetterie nationale et l’élaboration d’un Agenda national.
Jean Reitz estime, après ses premiers deux mois en tant que directeur, que cette billetterie (le système informatique de la billetterie centrale regroupe actuellement le Théâtre municipal de Luxembourg-Ville, le Théâtre des Capucins, le Conservatoire et le Centre des Arts Pluriels d’Ettelbrück) représentera sans doute le plus gros de son travail, durant les deux années à venir.
„Il s’agit ici de mettre en place un système informatique de billetterie auquel, en plus des maisons culturelles déjà regroupées par le système actuel, toutes les autres pourraient également participer. Cela me semble être un service au client essentiel, car il permettra l’achat d’un billet sans grand déplacement.“
Dans une première phase, cette nouvelle billetterie rassemblerait les quatre institutions regroupées au sein de la billetterie centrale. Et le „Centre sportif et culturel“ du Kirchberg serait également intéressé par le système. Dans une deuxième phase, Jean Reitz veut alors arriver à convaincre le plus de partenaires culturels luxembourgeois possibles à faire partie d’une telle structure, ce qui ne sera, évidemment, pas possible sans certains frais.
„Ces travaux sont indispensables, car notre ambition, c’est d’aboutir à une commercialisation professionnelle, nécessaire au plus tard en 2007, pour l’année culturelle dans la Grande Région.“