POLITIQUE CULTURELLE: High Hopes

Ambition et rationalisation – on pourrait résumer les projets culturels de la nouvelle coalition sous ces deux termes. Le hic, c’est que d’autres ont essayé avant eux et ont fini par baisser les bras.

Les jeux sont faits, rien ne va plus : la direction de la politique culturelle est décidée – reste à la mettre en oeuvre.

Le nom de Maggy Nagel comme nouvelle ministre de la Culture avait déjà circulé ces dernières semaines, provoquant des réactions incrédules voire carrément hostiles dans les milieux culturels. S’il est vrai que la bourgmestre de Mondorf n’a pas l’image d’une brillante politicienne culturelle, il faudra tout de même lui donner le temps et la chance de faire ses preuves – même si sa personne était plutôt inattendue à ce poste et que la scène culturelle avait espéré que ce poste reviendrait à quelqu’un qui est plus en phase avec les réalités du terrain.

Nonobstant, les acteurs du terrain ont tout de même pu exercer une certaine influence sur les cinq pages que le programme gouvernemental dédie à la politique culturelle, comme le révèle une note de travail interne que le woxx s’est procurée. Le document officiel commence par une ribambelle de bonnes intentions et part du constat qu’après les années capitale européenne de la culture de 1995 et de 2007, le Luxembourg dispose désormais d’assez d’infrastructures culturelles – certains diront trop – et doit se concentrer désormais sur les contenus. Entendez par là : la promotion des artistes luxembourgeois et l’accès à la culture. Ce n’est pas vraiment une grande nouvelle pourtant, car ces objectifs ont été clairement formulés dans le « Livre Blanc de l’infrastructure culturelle du Luxembourg », datant de 1998.

Nouveaux habits pour de vieilles idées

Ce n’est donc pas une révolution qui attend le secteur culturel, mais peut-être un changement de ton et plus de transparence. En tout cas, un audit est prévu pour clarifier l’organisation du ministère de la Culture, c’est-à-dire qu’au moins on disposera d’un organigramme plus précis. Le ton est aussi mis sur le dialogue, avec la promesse d’assises culturelles annuelles qui « permettront de suivre l’évolution de la politique en la matière et de réajuster, voire adapter le cas échéant, la stratégie en tenant bien compte des évolutions du secteur ». Une « structure légère de consultance » se chargera du suivi des assises. D’ailleurs un plan de développement culturel afin de déterminer la « vraie » (curieux adjectif, qui revient souvent dans le programme gouvernemental, comme si la politique avant la coalition avait été entièrement fausse) politique culturelle à long terme se retrouve aussi parmi les grandes ambitions du ministère.

Dans les détails du programme, qui reste malheureusement souvent très vague, on retrouve le dernier projet de loi concernant le statut d’artiste et d’intermittent du spectacle émis encore par Octavie Modert, que le gouvernement veut rapidement mettre en oeuvre – avec des « amendements mieux en phase avec la réalité des professionnels sur le terrain ». Ce sera sûrement une première épreuve pour la nouvelle ministre, car après l’avis plutôt négatif de la Chambre de commerce sur le projet de loi, les premiers concernés, comme par exemple la « Theaterfederatioun », sont aussi pressés de toucher un mot à Maggy Nagel à propos de leurs doléances quant à cette réforme cruciale. Celle-ci comporte quelques vrais défis comme la suppression de l’incompatibilité entre le statut et la possibilité de fonder une entreprise et l’obligation pour l’artiste de gagner dix pour cent de plus à chaque réinscription au statut.

Un autre vrai défi sera la « réévaluation complète des conventions et de leurs bénéficiaires tout en veillant à la prévention de financements doubles par plusieurs ministères ou administrations publiques ». Cela répond à une autre exigence qu’on retrouve dans le texte : celle d’une recentralisation du monde culturel sur le ministère, avec pour gage une meilleure transparence. Ainsi, dans le chapitre dédié à la promotion artistique, un « bureau de promotion nationale et internationale unique » sera étudié. Ce qui en d’autres mots, serait la fin de « music:lx » qui se retrouverait dans une nouvelle structure dédiée à la promotion de toutes les disciplines artistiques – comme l’indique la note de travail sur laquelle ce chapitre se base.

Où mettre l’Institut d’Histoire du temps présent ?

Parmi les gros morceaux laissés en vrac par l’ancienne ministre de la Culture, se trouve aussi la loi sur la conservation et la protection des sites et monuments, un thème sensible qui fera encore jaser – vu qu’en plus de la protection, il ambitionne aussi une « démarche générale de la rénovation énergétique ». Pourtant, le point le plus surprenant est celui concernant la « Culture et mémoire », vu qu’une vieille revendication des chercheurs universitaires semble avoir trouvé son chemin dans le programme gouvernemental : la création d’un « Institut d’Histoire du temps présent ». Celui-ci tirera ses ressources du Centre de Documentation et de Recherche sur la Résistance et de celui dédié à l’enrôlement forcé – tuant, au passage, dans l’oeuf les plans pour un éventuel troisième centre de la même sorte à Cinqfontaines, une initiative du député CSV Serge Wilmes. Si le gouvernement fait bien de préciser qu’à l’avenir la recherche historique et le devoir de mémoire seront séparés, il laisse dans le vague une question fondamentale sur ce nouvel institut : est-ce qu’il sera intégré à l’université ou non ? D’après nos informations, c’est Marc Limpach, le malheureux candidat à la succession de Claude Frisoni à Neumünster, qui serait en charge de préparer le terrain pour l’institut et de trouver aussi une réponse à cette question brûlante – réponse qui déterminera aussi si le gouvernement est vraiment sérieux dans son ambition de séparer recherche et mémoire.

Finalement, le texte du programme gouvernemental reprend aussi un tas d’idées de celui de 2009, qui était moins long, mais plus précis. Ainsi, l’accent est toujours mis sur l’accès à la culture de tous les citoyens, sans pourtant nommer le « Kulturpass » promis en 2009 et effectivement créé – alors que l’initiative derrière le passeport culturel manque toujours de moyens. Evidemment, le travail interministériel est aussi à l’honneur. Mais il reste à savoir si la nouvelle équipe au ministère dépassera les bonnes intentions des prédécesseurs, qui n’avaient pas vraiment su faire bouger les choses en cette matière ces cinq dernières années.

En tout, le programme gouvernemental pour la culture est hautement ambitieux et a sans doute déjà la bénédiction de certains acteurs culturels. Le hic, c’est qu’il n’arrive pas à clarifier comment il veut se donner les moyens pour les satisfaire. Ce sera à Maggy Nagel de donner le rythme et de choisir le personnel le plus efficace pour réaliser ce programme.


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