FESTIVAL DE LA BANDE DESSINÉE: Des bulles explosives

Le 41e Festival international de la bande dessinée, qui vient de se dérouler à Angoulême, a été marqué par plusieurs polémiques politiques – ce qui n’a pas empêché un lauréat surprise.

Willem, lauréat du Grand Prix de la ville d’Angoulême en 2013, avait réalisé l’affiche pour cette 41e édition du festival.

Cette année, la politique internationale s’est invitée au Festival international de la bande dessinée (FIDB), qui se déroulait du 30 janvier au 2 février à Angoulême. Depuis sa création en 1974, ce festival est le lieu où le neuvième art tire un bilan de l’année écoulée – pour la première fois depuis 17 ans le nombre d’albums vendus a chuté – et se présente aux médias nationaux et internationaux. Ainsi le journal Libération sort-il chaque année un numéro spécial entièrement illustré par des dessinateurs et c’est probablement aussi le seul moment où le woxx parle des bandes dessinées. C’est également à Angoulême que le champ se renouvelle à coup de débats, de controverses, de polémiques… A ce niveau, l’année 2014 n’était pas fondamentalement différente des années précédentes, sauf que cette fois les discussions ont largement débordé du champ plutôt restreint de la bande dessinée européenne.

Le premier conflit international à s’inviter dans la cité charentaise était le conflit israélo-palestinien. Le jour de l’ouverture du festival, une trentaine de dessinateurs parmi lesquels des noms connus comme les Français Edmond Baudoin et Siné ou l’Américain Joe Sacco ont demandé à la direction du festival de se séparer d’un de ses sponsors, en l’occurrence SodaStream, une entreprise israélienne dont des sites de production se trouvent dans les Territoires occupés. La même entreprise venait de faire la une des pages people parce que Scarlett Johansson s’était retirée comme ambassadrice Oxfam après avoir tourné un spot publicitaire pour SodaStream. La direction du festival, qui connaît depuis plusieurs années des difficultés financières, essayait de justifier son choix sans convaincre grand monde, en tout cas pas Jacques Tardi. L’auteur auquel la 41e édition du FIDB avait consacré une exposition s’insurgeait dans une lettre publique : « Si j’avais su au départ que le festival était financé par cette marque, jamais je n’aurais donné mon accord pour que mes planches soient accrochées à Angoulême. »

Mais cette première controverse allait rapidement être estompée par une altercation diplomatique non moins explosive. Parmi les 15 expositions organisées pour le festival, une était consacrée aux « femmes de réconfort » coréennes, des jeunes femmes qui servaient de prostituées aux troupes japonaises pendant la Seconde Guerre mondiale. « Fleurs qui ne se fanent pas » avait été en partie financée par Séoul et la ministre sud-coréenne des Droits de la femme s’était déplacée pour l’inauguration. Le gouvernement japonais, qui a du mal à reconnaître les crimes commis pendant la Seconde Guerre mondiale, n’a pas tardé à réagir à travers la voix de son ambassadeur en France qui regrettait « vivement que cette exposition ait lieu ». Les internautes japonais inondaient les réseaux sociaux avec des messages niant l’étendue de cette prostitution et le caractère forcé de celle-ci.

Ces polémiques qui montrent que le festival n’est plus seulement un événement franco-français ont également trouvé un écho lors de l’attribution du Grand Prix de la ville d’Angoulême – sorte d’Oscar du neuvième art. Parmi les trois auteurs qui avaient été retenus après un premier vote ne se trouvait aucun francophone mais l’Américain Bill Watterson, l’Anglais Alan Moore et le Japonais Katsuhiro Otomo. C’est finalement Bill Watterson, le père de Calvin et Hobbes, qui a reçu la prestigieuse récompense. Sur les 41 Grand Prix, c’est seulement le cinquième lauréat non européen. Si tout le monde reconnaît le génie de Watterson, plusieurs voix se sont néanmoins élevées pour regretter ce choix. D’une part l’auteur américain s’est complètement retiré de la vie publique depuis la fin de la série en 1995, et il est donc peu probable qu’il se rende à Angoulême l’année prochaine. D’autre part, nombreux sont ceux qui ont regretté que le jury n’ait pas choisi Otomo, créateur de la série Akira, valorisant ainsi les mangas, un genre qui économiquement joue un rôle très important mais qui est encore souvent considéré comme un mineur dans l’univers de la bande dessinée.


Cet article vous a plu ?
Nous offrons gratuitement nos articles avec leur regard résolument écologique, féministe et progressiste sur le monde. Sans pub ni offre premium ou paywall. Nous avons en effet la conviction que l’accès à l’information doit rester libre. Afin de pouvoir garantir qu’à l’avenir nos articles seront accessibles à quiconque s’y intéresse, nous avons besoin de votre soutien – à travers un abonnement ou un don : woxx.lu/support.

Hat Ihnen dieser Artikel gefallen?
Wir stellen unsere Artikel mit unserem einzigartigen, ökologischen, feministischen, gesellschaftskritischen und linkem Blick auf die Welt allen kostenlos zur Verfügung – ohne Werbung, ohne „Plus“-, „Premium“-Angebot oder eine Paywall. Denn wir sind der Meinung, dass der Zugang zu Informationen frei sein sollte. Um das auch in Zukunft gewährleisten zu können, benötigen wir Ihre Unterstützung; mit einem Abonnement oder einer Spende: woxx.lu/support.
Tagged .Speichere in deinen Favoriten diesen permalink.

Kommentare sind geschlossen.