Art conceptuel : À l’ère de l’algorithme

Le Casino a invité le collectif LAb[au] dans ses murs : avec « If Then Else », les trois artistes déclinent des combinaisons entre art, sémiotique et sciences. Une expérience un peu froide, mais fascinante.

Amatrices et amateurs du « Cercle des poètes disparus », tenez-vous à l’écart de cette exposition ! Car les trois artistes derrière le collectif LAb[au], Els Vermang, Manuel Abendroth et Jérôme Decock sont le contraire de tout ce qui est romantique, voire essentialiste. Au contraire, leur conception de l’art puise dans la linguistique, la science et l’abstraction. Au lieu de se laisser porter par une inspiration venue d’on ne sait où, ils établissent des règles et les suivent à la lettre.

Ce qui peut mener à des œuvres pourtant très différentes. Comme « Deep Blue », référence au superordinateur qui a battu Garry Kasparov aux échecs en 1997, mais qui n’a rien de digital en soi : les artistes se sont « amusé-e-s » à dessiner des carreaux sur 43 pages représentant les 256 nuances de bleu en codage binaire sur des grilles de 8 × 8 carreaux – donnant des chiffres et des lettres.

À l’opposé de ce travail très théorique, « Good Luck » va dans la direction du concret. Jouant sur la superstition liée au trèfle à quatre feuilles, le collectif a exposé deux bacs dans la salle du premier étage du Casino. Dans ceux-ci se trouvent des trèfles, mais pas n’importe lesquels – car ces derniers ont été modifiés génétiquement pour favoriser la croissance de quatre feuilles au lieu des trois traditionnelles. Par cette manipulation scientifique, la croyance populaire est mise à l’écart, même si bien sûr toutes les plantes ne présentent pas les quatre feuilles du bonheur.

Une autre obsession du LAb[au] est le monochrome, sans grande surprise. Dans une pièce plutôt monumentale, « One Thousand Six Hundred Light Years », le collectif ajoute une dimension temporelle à cet exercice de style qui hante l’art moderne et contemporain depuis le fameux carré de Malevitch. Ceci en installant un compteur Geiger relié à un microphone ultrasensible pointé sur le « tableau ». Selon les artistes, les craquements émis par ce dispositif signifieraient que « la couleur est un état dans le temps ». En ajoutant cette couche sémantique, ils enlèvent donc aussi l’immortalité du concept.

Les permutations sont un autre point fort de ces artistes. Que ce soit sous forme de tableaux « automatisés » – les œuvres mêlant les techniques de l’origami japonais à l’art cinétique se retrouvent un peu partout dans l’exposition – ou sous une forme plus chimique, comme dans « U-238 > Pb-206 », qui illustre la transformation de l’uranium en plomb. Un processus qui passe par 14 étapes, où le matériau se transforme et change de couleur par désintégration radioactive. Comme quoi le compteur Geiger n’est peut-être pas du luxe !

Finalement, et cela non plus n’est pas surprenant, la bibliothèque en tant qu’image ou concept est aussi omniprésente. Comme dans « One of a Billion Years », une œuvre aussi intelligente que vertigineuse, qui joue sur les probabilités de façon à faire tourner la tête.

Notons aussi que LAb[au] a composé une pièce juste pour le Casino, « Zäit Wuert », installée sur la façade extérieure. Une jolie expérimentation poétique qui mélange allégrement sémantique et informatique.

« If Then Else » est donc une bonne introduction au monde et au travail de LAb[au] (actif depuis 1998) et présente une sorte de best of de ce collectif opérant aux marges de l’art et de la science.

Au Casino, jusqu’au 5 janvier 2020.

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