La BlackBox du Casino accueille le jeune artiste belge Emmanuel Van der Auwera. Trois de ses vidéos analysent nos rapports aux réseaux et aux horreurs qu’ils véhiculent. Une plongée dans les arcanes sombres d’un internet méconnu et dangereux.
Interroger l’époque au travers de moyens métrages de fiction, triturer la réalité pour la pousser dans ses derniers retranchements, tel est le pari de l’artiste belge Emmanuel Van der Auwera dans ses films visibles à la Blackbox du Casino de Luxembourg.
Dans le premier, « A Certain Amount of Clarity », le plasticien s’inspire des vidéos virales qui circulent sur l’internet. De ces objets qui prennent parfois une dimension inexpliquée auprès de leur public. Mais au lieu de les montrer, il choisit d’en inventer une et de capturer l’image de webcams d’adolescents qui la regardent. Hypnotisant, le spectacle interroge à la fois la force du réseau mais aussi celle du regard. Le regard du spectateur de l’exposition, celui des « acteurs » de la vidéo et enfin celui du réalisateur. Dans ce chassé-croisé, jamais la vidéo d’un meurtre supposé réel n’est visible. Mais les personnages, issus de captures internet, semblent plus vrais que nature. La manipulation est au cœur de cette réflexion sur l’image, entre légende urbaine des « snuff movies », ces films sacrificiels qui se distribueraient sous le manteau, et talent du réalisateur pour créer un propos à partir d’un patchwork d’images.
Le même travail est appliqué au deuxième film, « Central Alberta », directement inspiré de l’histoire de Mark Marek, un pionnier de l’internet underground qui avait créé le site bestgore.com, le rendez-vous des amateurs d’horreur en tout genre. Sur ce site sans aucune frontière morale, des films amateurs d’accidents, de meurtres et autres suicides sont montrés sans filtre. Dans son œuvre, Emmanuel Van der Auwera choisit de mettre en scène les forums de ce site avec l’aide de neuf acteurs. Les images de l’horreur ne sont pas montrées, seuls les acteurs sont filmés pendant qu’ils jouent les obsessions des visiteurs du site pour le sordide. Une nouvelle fois, le voyeurisme du spectateur est questionné avec ces textes scandés. Car derrière le travail de l’artiste se terre une réalité que le visiteur n’est pas nécessairement prêt à affronter.
La dernière vidéo est une nouvelle illustration des horreurs que véhicule le réseau. « Missing Eyes » met en scène les préparatifs chorégraphiés d’une exécution par le groupe terroriste Daech. Dans une vidéo de quinze minutes projetée en boucle, Emmanuel Van der Auwera montre un des autres tabous de l’internet, cette fascination malsaine pour la mort qui mène à la radicalisation de certains.
La force de ce travail, parfois à la limite du supportable dans ce qu’il suggère, est d’interpeller les visiteurs dans la durée. Chaque film dure suffisamment pour exposer clairement sa thèse et renforcer, à dessein, le sentiment de malaise ou tout du moins la perplexité face à ces regards perdus. Chacun à leur manière, les trois films posent finalement une seule et même question : doit-on fixer des frontières à l’internet, appliquer au réseau une forme de contrôle qui sera de toute manière amenée à être contourné ? Vecteur de l’horreur dans les films d’Emmanuel Van der Auwera, il est aussi le dernier espace de totale liberté.
Au Casino – Forum d’art contemporain, jusqu’au 1er octobre.
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