Arts visuels : L’enfer, c’est nous

Le couple d’artistes Karolina Markiewicz et Pascal Piron prolonge l’expo « Putain de facteur humain – précieux facteur humain » au Pomhouse du CNA. Une expérience dérangeante sur la dualité humaine.

Photo : Romain Girtgen – CNA

« Putain de facteur humain » (PFH) est une expression québécoise attribuée à l’astrophysicien et écologiste Hubert Reeves, par laquelle il se demande quelles sont les raisons qui font que l’on accepte quelque chose d’inacceptable. Karolina Markiewicz et Pascal Piron problématisent l’interrogation de Reeves à travers une multitude d’images, parsemées d’ambiances sonores et de messages écrits. Les unes sont affectueuses, les autres cinglantes, mettant ainsi à nu les dérives de l’être humain. Pour sonoriser l’exposition, les artistes ont pu compter sur les collaborations d’Elisabet Johannesdottir et d’Amandine Truffy pour les narrations et celles de Kevin Muhlen et Ásta Sigurdardottir pour la musique et le chant.

« Nous travaillons depuis quelques années sur les images, et cette exposition est une réflexion sur les images. Elle pose la question de savoir comment celles-ci fonctionnent sur nous. En même temps, nous prenons toute la complexité de l’histoire des images et de petites histoires d’êtres humains qui changent l’histoire de l’humanité, comme un ‘downscale’ », nous explique Karolina Markiewicz. La preuve, le prolifique duo présente entre autres dix petits écrans alignés sur une même surface, projetant des vidéos aux images pixelisées et illisibles, telle une mosaïque du chaos. Karolina nous dévoile qu’il s’agit d’un travail réalisé à partir de l’observation de vidéos sur YouTube, commençant par une manifestation de femmes en Iran datant de 1999 et se terminant par les confrontations entre les Hongkongais-e-s et les forces de l’ordre en 2019.

Photo : Markiewicz-Piron

D’ailleurs, l’expo ne se veut pas uniquement féministe mais multisexuelle, même si la question de la dualité humaine nous est présentée sous le prisme du corps féminin. Cette prise d’angle atteint son paroxysme dans un tunnel interactif de huit mètres de long que le public pourra emprunter. Cette expérience vaut à elle seule le détour au Pomhouse de Dudelange. Nous y sommes confronté-e-s à deux figures fantastiques, sorte de gorgones contemporaines qui s’affrontent dans des directions opposées. En plein dilemme, nous pouvons à chaque instant revenir en arrière ou tout simplement opter pour une des sorties. Sans doute une allégorie des multiples choix que l’être humain est amené à faire pendant toute son existence. Au centre de l’œuvre se trouve la performance de la danseuse Yuko Kominami, modélisée en 3D avec des images de synthèse. À l’image de toute l’exposition, nous sommes ainsi confronté-e-s aux dichotomies du bien et du mal, de la passion et de la raison et pourquoi pas du progressisme et du conservatisme.

« PFH » n’est sans doute pas l’expo la plus feel-good de l’année et rappelle par moments des ambiances ­kubrickiennes dignes de « A Clockwork Orange ». À la sortie, l’inconfort existentiel est envahissant, même s’il se veut saupoudré d’espoir après l’ébullition de nos sens. Le défunt créateur de l’emblématique Bauhaus, Walter Gropius, disait que « l’esprit est comme un parapluie, il fonctionne mieux lorsqu’il est ouvert ». Une certaine ouverture d’esprit est un outil plus que nécessaire pour s’imprégner du message de Karolina Markiewicz et Pascal Piron. Le nouveau travail du duo luxembourgeois se veut avant tout un moment de réflexion et d’interpellation sur les multiples facettes humaines qui à tout moment peuvent orienter le destin de l’humanité. Fin juillet, une publication (à ne pas confondre avec un catalogue) prolongera l’expo de façon écrite. D’ici là, dédiabolisons-nous.

Jusqu’au 30 juillet au Pomhouse – 
Centre national de l’audiovisuel.

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