Assemblée parlementaire de l’OSCE : La Russie marginalisée

La Fédération de Russie a été marginalisée, la semaine dernière, dans un hémicycle où la guerre des mots faisait rage.

C’est à l’European Convention Center du Kirchberg que s’est tenue il y a quelques jours la 28e session de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. (Photo : Alejandro Marx)

Dans un contexte conflictuel en Europe, l’OSCE est de nouveau devenue l’instance de dialogue des pays du continent européen, tout en associant les États-Unis et le Canada aux négociations. Et c’est le Luxembourg qui, du 4 au 8 juillet, a accueilli la 28e session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. La récente réintégration de la Russie à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe offre, elle aussi, une nouvelle opportunité d’ouverture. Les autres enjeux de l’organisation paneuropéenne étant la lutte contre la corruption et la promotion des droits de l’homme, notamment dans les zones de conflit. Dans ce contexte, les récentes visites au Luxembourg du premier ministre russe, Dmitri Medvedev, et du premier ministre arménien, Nikol Pachinian, confirment la place du Luxembourg comme partenaire de dialogue avec l’Europe de l’Est.

Lors de la première journée de l’assemblée parlementaire, le principal point de débat a été le projet de résolution portant sur le rôle joué par les parlements nationaux pour prévenir et combattre la corruption. Porté par la députée suédoise Margareta Cederfelt et la députée chypriote Irene Charalambides, ce projet de résolution a fait l’objet d’amendements controversés. Un parlementaire américain a notamment critiqué le fait que parmi ces amendements, il y en a un qui stipule de seulement continuer les efforts dans la lutte contre la corruption, affaiblissant de la sorte la portée de la résolution entière.

Un second amendement présenté par un député arménien a nécessité des clarifications pour bien souligner que la lutte contre la corruption ne vise pas seulement la corruption en col blanc, mais également celle de la vie de tous les jours. Dans la mesure où l’Arménie a vécu une révolution en 2018, les parlementaires craignaient que cette résolution de l’OSCE ne serve finalement qu’à justifier la mise au ban de fonctionnaires et politiciens du gouvernement arménien précédent, sans pourtant s’attaquer à la corruption elle-même. La résolution de Cederfelt et Charalambides a finalement été adoptée dans sa forme la plus forte.

Le parlementaire irlandais Alan Farrell a, lui, présenté son rapport portant sur le rôle des parlements dans la promotion de la sécurité. Dans celui-ci, Farrell estime que le retrait du Royaume-Uni de l’Union Européenne menace le maintien de la paix sur l’île d’Irlande. À terme, le rôle de l’OSCE comme tribune de dialogue sur les questions de sécurité et des frontières pourrait devenir plus important après le Brexit. La résolution du parlementaire Farrell appelle également à résoudre les conflits dans la région de l’OSCE à travers un mécanisme commun, notamment en ce qui concerne les quatre conflits gelés et ouverts : en Moldavie, Géorgie, Ukraine ainsi qu’entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie (conflit du Nagorno-Karabakh). Mais cette résolution a été vivement critiquée par les parlementaires arméniens, qui ont activement promu leurs amendements auprès des autres parlementaires dans l’hémicycle.

L’Ukraine critique la France

En effet, au sein de l’OSCE, il existe déjà un mécanisme visant à résoudre le conflit du Nagorno-Karabakh : le groupe de Minsk, que la Russie, les États-Unis et la France coprésident avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Interviewé par le woxx, le parlementaire arménien Hayk Konjoryan a souligné que chaque conflit est lié à des causes différentes et donc ne saurait être résolu par un mécanisme commun : « Si cinq personnes sont malades, un médecin ne peut pas conclure que le même médicament les soignera tous. ».

La gestion des conflits a également été à l’ordre du jour, à travers l’exemple de la Crimée, territoire ukrainien occupé par la Fédération de Russie, ainsi que les territoires de Donetsk et Lougansk, régions ukrainiennes où se déroulent des combats entre l’armée ukrainienne et des séparatistes soutenus par la Russie. La délégation française, par le biais de la députée Sereine Mauborgne, a appelé les belligérants à œuvrer ensemble pour la paix en Ukraine. Or, cette déclaration est dans la continuité de la politique étrangère française, qui a d’ailleurs soutenu la réintégration de la délégation russe au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. La délégation parlementaire de l’Ukraine, de son côté, a critiqué cette formulation en soulignant que l’Ukraine est victime de l’agression russe et qu’elle remplit déjà ses obligations pour la résolution du conflit. Quant à la délégation russe, elle a fait valoir que la Crimée était désormais réintégrée à la Russie, comparant cette « réunification » avec celle des deux Allemagnes en 1990.

Sur la question des droits de l’homme, la délégation suédoise a appelé la Russie à coopérer pour mettre un terme aux violences commises contre les personnes LGBT en Tchétchénie. Les parlementaires russes ont répondu à cet appel en rappelant qu’ils s’opposent à l’influence étrangère dans les affaires de leurs pays. L’Amérique du Nord a elle aussi été active lors des débats. Les États-Unis avaient dépêché une délégation nombreuse, avec notamment le parlementaire démocrate Steve Cohen, qui a exprimé son inquiétude face à la montée de l’antisémitisme en Europe, visant plus particulièrement le gouvernement de Viktor Orban en Hongrie, ce qui n’a pas manqué de causer une vive réaction de la part de la délégation hongroise. Le sénateur républicain Rick Scott a utilisé son temps de parole pour promouvoir la politique des États-Unis en Amérique latine, dans un discours qualifiant de génocide la répression des opposants vénézuéliens par Nicolas Maduro.

Le travail parlementaire des députés a également été présenté lors de la conférence de presse que donnait la mission parlementaire du Comité pour la démocratie, les droits de l’homme et les questions humanitaires sur l’impact de la guerre dans l’est de l’Ukraine. Présenté et rédigé par la députée suisse Margareta Kiener Nellen et le député chypriote Kyriacos Hadjiyiannis, le rapport sur la situation humanitaire dans l’est de l’Ukraine attire l’attention sur le sort des personnes déplacées, les disparus ainsi que la liberté de mouvement des civils et le déminage des zones de conflit. Selon la députée Kiener Nellen, les réactions des délégations de parlementaires ukrainiens et russes à ce rapport ont été positives. Elle a néanmoins regretté que le gouvernement ukrainien de l’ancien président Petro Porochenko ait interdit aux deux parlementaires l’accès au territoire ukrainien sous contrôle séparatiste. Elle espère que le nouveau président élu Volodymyr Zelensky le permettra à une future mission parlementaire.

La société civile de la région de l’OSCE était représentée par quelques ONG, sur invitation de parlementaires de l’assemblée. Face au woxx, Bota Jardemalie, réfugiée politique du Kazakhstan, a pourtant regretté que l’assemblée parlementaire de l’OSCE ne soit pas plus ouverte à la participation de la société civile.

Absence de nombreux 
délégués russes

Lors de la dernière journée de la session annuelle, de vives tensions ont éclaté autour de l’adoption de la déclaration finale de Luxembourg par l’assemblée parlementaire. Ces tensions étaient le résultat de la présence de nombreux paragraphes dans la déclaration critiquant la politique étrangère de la Fédération de Russie, notamment le paragraphe 24 qui appelle cette dernière à appliquer pleinement les accords de Minsk pour faire cesser les combats en Ukraine.

Un amendement présenté par la députée suisse Kiener Nellen avec le soutien de la délégation française, appelant la Russie et l’Ukraine à remplir ensemble leurs obligations dans le cadre des accords de Minsk, a été rejeté en masse par les autres parlementaires. En effet, cet amendement était favorable à la position russe et la délégation ukrainienne l’a vivement critiqué. Interviewé par le woxx, le député de la Verkhona Rada ukrainienne Sergii Vysotskyi a déclaré : « Nous sommes surpris par la Suisse. Cet amendement était présenté par un seul député. C’est un malentendu politique. Depuis quatre ans, nous apportons des preuves de l’agression russe. Nous essayons d’appliquer un cessez-le-feu. Il y a trois jours, un véhicule médical de l’armée ukrainienne a été visé par les séparatistes, causant la mort d’un soldat et d’un infirmier. La Russie veut influencer la politique en Ukraine. »

Lorsque le président de l’assemblée parlementaire, George Tsereteli, a passé au vote les paragraphes de la déclaration, le député russe Nikolaï Ryzhak a présenté un point d’ordre pour faire cesser les débats, argumentant que le quorum minimum n’était pas présent pour valider le vote de la déclaration. Nikolaï Ryzhak a continué à perturber plusieurs fois le vote, insistant sur le manque de quorum, et a été rappelé à l’ordre par le président sous les applaudissements des parlementaires, lors de débats où la tension était palpable. La nombreuse délégation russe s’était en majorité absentée de l’hémicycle pour empêcher le quorum.

Face au woxx, le député de la Douma Nikolaï Ryzhak a déclaré : « Nous ne voulons pas empêcher la procédure. Les règles imposent un quorum minimum de 162 députés, il n’y avait que 110 à 112 députés. Des pouvoirs extérieurs cherchent à détruire les relations de la Russie avec des pays qui partagent une histoire commune avec nous comme la Moldavie, l’Ukraine et la Géorgie. Nous étions un seul pays du temps de l’URSS. »

Le déclaration de Luxembourg a finalement été adoptée à la majorité, malgré l’abstention des délégations française et suisse et l’opposition des délégations russe et turque. La délégation russe a déclaré qu’elle considérait ne pas être liée à la déclaration en maintenant que le quorum n’avait pas été atteint à l’Assemblée parlementaire de l’OSCE. Ainsi, après avoir été réintégrée au Conseil de l’Europe, la Fédération de Russie vient de vivre une défaite diplomatique à l’OSCE. L’abstention de la France lors du vote démontre, elle, la limite de la politique d’ouverture à la Russie, qui avait pourtant permis sa réintégration à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.


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