Cinéma : Hitchcock®

Au Cercle Cité, Paul Lesch partage avec le grand public sa collection privée centrée sur la personne d’Alfred Hitchcock. Plus que comme une icône du septième art, le directeur du CNA nous le présente comme une marque.

Photo : Nuno Lucas da Costa

Même s’il existe des personnes qui n’ont jamais visionné un seul film de Hitchcock – ce qui constitue presque un crime cinématographique –, ces mêmes personnes ont d’une façon ou d’une autre consciemment ou inconsciemment aperçu sa fameuse silhouette de profil, sans parler des scènes angoissantes du film « The Birds » ou encore celle de l’assassinat au couteau sous une douche dans « Psycho ». Cela dénote tout simplement la force de la figure de sir Alfred Hitchcock. Quant au fameux profil, il n’est autre que le résultat d’autoportraits que le « maître du suspense » (et de l’humour macabre) fit dans les années 1920, lançant ainsi les prémices de la marque « Hitchcock ».

Plutôt que d’énumérer et de disséquer la vaste œuvre hitchcockienne, l’expo « Hitchcock. The brand » propose ainsi un tout autre angle d’analyse, c’est-à-dire celui de comprendre comment Alfred Hitchcock a su au long de son parcours se constituer une authentique marque de fabrique et une aura intemporelle autour de son nom. Fan invétéré du cinéaste, Paul Lesch décrypte tout ce processus, lequel aujourd’hui pourrait aisément constituer un cas d’étude dans un cours de stratégie de marketing. Sans donner dans les excès de certains influenceurs et de certaines influenceuses de notre ère, ce personnage unique aux airs de bon vivant, vêtu de son élégant « british suit » et savourant son fidèle cigare, pourrait être considéré aujourd’hui comme un parfait expert en communication. Dès le début de sa prolifique carrière, il a su gérer et rentabiliser son image au nom du succès de ses films.

Dans le bon sens du terme, l’expo nous bombarde d’une multitude 
d’informations, qui vont de simples couvertures de magazines d’un autre temps à toute une bibliographie très variée, en passant par une panoplie de créations artistiques qui à leur tour englobent la peinture, le dessin ou encore la photographie. Une partie murale de l’expo, construite en plusieurs chapitres, est symptomatique de la dimension universelle de Hitchcock. Y sont disposées pas moins de 63 unes de magazines, en provenance des différentes contrées de ce monde, dédiées à l’homme aux plus de 50 films. Le culte que Paul Lesch voue au cinéaste est palpable tout au long de l’expo, sans parler des vitrines contenant un ensemble d’accessoires et d’objets personnels consacrés à la figure d’Alfred Hitchcock, sans parler non plus de la photo grandeur nature de sa bibliothèque contenant quelque 400 livres sur le réalisateur.

Calculateur ou manipulateur ?

Sui generis dans l’art de promouvoir ses réalisations, Hitchcock apparaissait lui-même dans les bandes-annonces de plusieurs de ses films. L’expo a récupéré celles de « Psycho » (1960), « The Birds » (1963), « Frenzy » (1972) et « Family Plot » (1976). Un autre chapitre témoigne de sa popularité auprès de la presse et de la relation de proximité qu’il entretenait avec cette dernière, en ayant le sens de la formule lors de ses interviews, allant jusqu’à accepter de se livrer à des photographies publicitaires pour le moins drôles et fantasques. Tout cela en maintenant le contrôle de son image et toujours avec l’approbation finale de ses propos.

La marque « Hitchcock » traverse le temps et les époques. Même Apple et la vodka Absolut en ont fait usage en 1997. L’expo nous rappelle aussi qu’une des signatures de Hitchcock était ses apparitions incongrues et sans crier gare, qui duraient en général sept secondes, dans 37 de ses réalisations. Encore de nos jours, trouver Hitchcock dans ses films est une pratique ludique courante ; il existe même des livres et des sites à cet effet.

Le visiteur et la visiteuse concluront que la marque « Hitchcock » s’est forgée dans un premier temps par la valeur artistique de l’œuvre du cinéaste, et dans un deuxième par une démarche voulue et habilement maîtrisée. Calculateur ou manipulateur ? Le débat est ouvert, et d’autres adjectifs peuvent sans effort s’inviter. Néanmoins, celui de « génial » ferait sans aucun doute l’unanimité devant quelqu’un qui a tout simplement essayé de vendre son commerce. À un moment où le binge-watching fait des siennes, à la fin de l’expo, on est tenté d’en faire de même avec la filmographie de Hitchcock. Pure délectation cinéphile, revoir ses bonnes vieilles pellicules se révèle comme un voyage à travers l’histoire du cinéma, sans oublier l’étonnement que les exploits techniques de l’époque suscitent, en particulier les cadrages qui frôlaient une perfection quasi kubrickienne. Versions remastérisées ou non, en noir et blanc ou en couleur, la magie opère toujours.

Au Cercle Cité, jusqu’au 10 avril 2022.

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