Pour sa première exposition extra-muros, le Casino a choisi de montrer des travaux d’étudiant-e-s de la Haute École des arts du Rhin (HEAR). Si « So Far – jusqu’à présent, sans garantie, tellement loin… » contient quelques joyaux, l’exposition reste de qualité inégale.
« L’anthropocène – une nouvelle ère géologique où l’humain est devenu l’acteur principal de la transformation des écosystèmes » – c’est la notion de départ des travaux exposés dans la galerie Beim Engel. Galerie qui – pour une fois – a été capable de livrer du matériel photographique adéquat, ainsi que même un petit dépliant expliquant les œuvres exposées. On dirait que la synergie avec le Casino porte ses fruits.
L’idée sous-jacente n’est pas uniquement de pointer du doigt le changement climatique ou la pollution des eaux et des sols, mais de « changer d’échelle : atteindre la taille d’un brin d’herbe, d’un grain de sable, d’un microbe, nous poser sur une particule élémentaire ».
Pour accéder à l’état de particule, l’artiste Louise Germain a imaginé tout un dispositif. « Mort d’un immortel » est l’éclatement en trois vidéos, un présentoir et un fascicule du cas (hypothétique) de Paulin Blum, 27 ans, qui désire mourir et en appelle aux docteurs et aux politiciens afin de le « désactiver ». Le vœu de mort dans une société obsédée par l’immortalité est bien particulier, et les vidéos de – vrais – experts sommés de s’expliquer sur ce cas de figure sont édifiantes. Un travail personnel et politique qui promet.
Autre œuvre à sortir du lot : « Geometry to Origin » de Gabriel de la Roche. Un travail vidéo qui détonne déjà par la qualité artisanale de l’animation, mais qui possède aussi ses profondeurs. Le spectateur part de la perspective d’un homme du futur, assis devant son ordinateur et qui tape le mot « Alsace » dans Google. Sur les images satellite il peut découvrir que, suite à la montée des eaux, la région est devenue un site marin où d’étranges monstres rôdent le long des côtes. Le plongeon dans cet univers va se révéler édifiant.
Travail marin aussi, mais plus terre à terre si l’on ose dire : « Rune », de Faustine Reibaud. Une méditation sur la pêche et la valeur qu’elle a pour les humains qui en vivent chaque jour – de belles images des côtes bretonnes avec quelques réflexions intéressantes sur l’anthropologie en rapport avec les ressources naturelles.
Intéressant surtout du point de vue technique et esthétique, « Damoclès sous la colline » de Gabriel Leanjean mélange peinture acrylique et projections, ce qui en fait une œuvre hybride et fragile devant laquelle cela vaut le coup de s’attarder et d’observer les détails. Pour un tableau qui vous parle, c’en est vraiment un.
Sinon, il y a aussi des travaux plus faibles, qu’on sent inspirés, voire carrément copiés d’autres artistes contemporains. Comme « Me & You » d’Alice Durel, qui accueille le spectateur dès qu’il entre dans la galerie. Honnêtement, une vidéo avec des glaciers et une fille qui se déhanche, c’est un peu vite trouvé. Tout comme l’« Héritage futur » de Margot Derumez, qui s’est contentée de présenter quelques moulages de branches blanchies en polyamide à ras le sol.
En tout, une exposition qui peut étonner tant les différences de qualité des œuvres exposées sont parfois importantes – mais qui sait ? Peut-être qu’un-e des futures stars de la scène des arts contemporains s’y trouve déjà.