Exposition collective : Serpentines

« The Ouroboros » est la deuxième collaboration entre le Casino Luxembourg Forum d’art contemporain et Taïwan (plus précisément TheCube Project Space à Taipei). Si les vidéos sont toutes d’un grand intérêt, manque pourtant le lien entre elles.

L’ouroboros est un symbole vieux comme l’histoire de l’humanité, la plus vieille occurrence nous venant de l’Égypte du 16e siècle avant notre ère. Il se manifeste par un serpent qui se mord la queue, incarnant soit un éternel renouveau soit son contraire, la promesse d’une fin certaine de toute chose vivante. Ce qui est fascinant avec ce symbole, ce n’est pas uniquement son âge, mais aussi son universalité. Ainsi, l’ouroboros apparaît dans presque toutes les civilisations sans que celles-ci soient forcément en contact : on le retrouve en Australie comme chez les Aztèques, chez les bergers suisses comme dans les sagas nordiques et chez les brahmanes indiens. Même dans le satanisme, le serpent apparaît dans le sceau de Baphomet. Finalement, Carl-Gustav Jung a diagnostiqué l’ouroboros comme l’archétype même de la psyché humaine.

Bref, un symbole fort et très malléable quant à son interprétation, ce qui laisse assez de place pour les huit vidéos montrées dans la BlackBox – et vu la longueur de certaines d’entre elles, prévoyez un après-midi entier pour votre visite. Ça commence doucement par les quatre courts métrages de l’artiste taïwanaise Tzu-Ling Lee, sur le consumérisme et la destruction de l’Arctique, pour gagner un peu en urbanité avec « Tabla Dubb no. 9 » de Hassan Khan. L’artiste égyptien y croise la musique noise et le tabla arabe sur fond d’explorations dans différentes structures – le tout additionné de poésie musulmane.

Plus trash, « Notes on Twelve Karmas, 1999-2000, réédité en 2018 » du Taïwanais Chieh-Jen Chen est le travail sur un palimpseste vidéo abandonné puis revisité par l’artiste. À l’origine du projet se trouvait l’idée de se projeter dans le futur. Le cadre, avec deux aveugles qui se retrouvent dans une salle souterraine avec des matériaux de vidéosurveillance, est déjà assez post-apocalyptique – mais Chen ajoute encore des post-humains, connectés à une machine tortionnaire par leurs culs. Le fait que le film est muet et en noir et blanc n’aide pas à le rendre plus digeste.

L’œuvre la plus marquante est sûrement « Blue and Red », de l’artiste chinois Tao Zhou. Plantant sa caméra à Bangkok, en Thaïlande, lors des vagues de protestation entre 2013 et 2014 et alternant avec des images de sa ville natale de Guangzhou (oui, c’est de là qu’opère aussi notre Cargolux nationale), il montre comment l’organisation de la contestation est une chose organique, même dans des villes asiatiques ultrasophistiquées. Le jeu des couleurs, symboliques ou pas, est primordial dans l’expression de Zhou, et les images glanées dans le camp des protestataires comme dans celui des forces de l’ordre reflètent deux pans de l’ordre social certes opposés, mais tellement semblables dans leurs fondamentaux.

Vu qu’il ne reste pas assez de place dans cet article pour présenter toutes les œuvres, relevons encore « Captcha – Captcha » de Chi-Yu Wu, une expérimentation intelligente sur l’intelligence artificielle et sur l’impact que celle-ci a sur la communication humaine.

En somme, une exposition qu’on peut certes voir, malgré l’impression d’un certain laisser-aller quant à la conceptualisation et la contextualisation.

Jusqu’au 28 octobre à la BlackBox.

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