Exposition scientifique
 : Rester ce que nous sommes


L’exposition « Momies – Un rêve d’éternité » offre une vue complète, contemporaine et sans sensationnalisme d’un désir millénaire de l’humanité : conserver la vie pour s’opposer au mystère de la mort.

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Un écureuil pour commencer. Trouvé dans un grenier en Allemagne, le petit animal desséché est dans un état presque parfait et idéal pour introduire ce qui suit – une exposition pédagogique sur la conservation des corps depuis la nuit des temps. Cette conservation ou momification peut avoir trois significations différentes. Tout d’abord, la momification naturelle, quand la conservation du corps s’est faite de façon « accidentelle » dans un milieu naturel propice – désert, glacier, saline, cave ou tourbe. On parle de momification intentionnelle quand le corps lui-même n’a pas été modifié, mais exposé à un certain milieu naturel dans le but de le conserver. Et enfin vient la momification artificielle, dont la pratique la plus connue est certes égyptienne, mais qui a aussi été pratiquée dans bien d’autres endroits – comme l’Amérique du Sud précolombienne ou l’Asie – et à bien d’autres époques.

Le parcours de l’exposition est basé sur deux constantes : les trois sortes de momification et les différentes régions du monde selon leurs spécificités par rapport à la mort. Et, dans les deux cas, l’exposition « Momies – Un rêve d’éternité » peut se targuer d’être très complète, voire exhaustive. Le premier niveau montre les cas de momification naturelle, tandis que le deuxième met l’accent sur les aspects culturels et démontre que, souvent, le passage d’une technique à l’autre est fluide. Ainsi, on suppose que les Égyptiens ont d’abord constaté des cas de conservation naturelle des corps dans les sables du désert avant de commencer à affiner leurs techniques de momification artificielle puis de les employer non seulement pour les humains mais aussi pour les animaux, considérés comme sacrés dans leur religion. La même chose vaut probablement pour les momies précolombiennes exposées – même si, dans ce cas, la Conquista espagnole a réduit les certitudes scientifiques au rang d’hypothèses. Et c’est aussi le cas pour certaines momies venant de l’espace pacifique. Façonnés comme des originaux, ces « objets » valaient une fortune sur le marché européen aux 18e et 19e siècles. L’espace asiatique n’est d’ailleurs pas en reste – même s’il était bien sûr impossible d’exporter des momies chinoises du temps du premier empereur -, et compte nombre de momies parmi les mieux conservées au monde.

Pourtant, un des aspects les plus intéressants de l’exposition reste le point de vue – critique – sur l’approche européenne. Si dans nos cultures antiques – romaine et grecque surtout – les corps étaient brûlés après la mort et, même dans la culture chrétienne, la conservation des restes humains n’était pas primordiale, cela ne veut pas dire que nous étions insensibles à cette sorte de phénomène. D’abord par la commercialisation des momies égyptiennes en tant que remède médical sous le nom de « mumia vera aegyptica » à partir du 12e siècle, et ce jusqu’en 1924. Alors que, au début, on ne s’intéressait qu’au bitume utilisé dans le processus de momification, on en est venu plus tard à broyer des corps entiers pour satisfaire aux besoins du marché – d’autant qu’à partir du 16e siècle le « brun de momie » a aussi été utilisé massivement dans la peinture. Et puis l’exposition démontre qu’avec le temps l’intérêt pour la conservation de personnes considérées comme saintes dans le culte catholique est allé croissant, tout comme l’intérêt d’exposer des corps issus de la momification naturelle – comme ces quatre corps visibles au MNHA issus d’une crypte de l’église dominicaine de Vác en Hongrie, ou encore les fameuses catacombes capucines de Palerme en Sicile. Le parcours se termine avec des préparations scientifiques de fœtus déformés, conservés pour la science, et les momies « politiques », comme celle de Lénine. Enfin, on découvre un homme « plastiné » par Gunther von Hagens, le plus célèbre conservateur de corps de notre temps, qui boucle la boucle et démontre que le désir d’affronter la mort en arrêtant la décomposition des corps n’a perdu en rien de son attrait macabre.

Au MNHA, jusqu’au 10 octobre 2016.

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