L’exposition « Inertie » du graffeur Eric Mangen, à l’abbaye de Neumünster, nous dévoile l’univers particulier de l’artiste, entre arts de la rue et recherche artistique plus classique – le tout n’étant pas dénué d’humour.
Qui est passé sur le parvis de Neimënster – ou s’est baladé en hauteur dans les casemates – pendant les deux dernières semaines de septembre ne pouvait pas le rater. Profitant d’une résidence « hors les murs » autant que du beau temps, Eric Mangen réalisait ses toiles en public au vu et au su de tous. Une belle occasion de voir de près comment il traite et maltraite ses toiles. Des explosions de peinture, des jets de couleurs passés à l’extincteur ou encore des superpositions inattendues apparaissaient petit à petit dans la cour du centre culturel.
En parcourant les alcôves du cloître Lucien Wercollier, où les peintures de Mangen sont exposées, on ne peut se passer d’un premier constat : l’artiste est une bête de travail. Car terminer plus d’une vingtaine de toiles dans l’espace de 14 jours est déjà une réussite, surtout si tous les travaux sont de qualité égale. Les thèmes pourtant varient : il y a des évocations de l’architecture de la ville de Luxembourg, comme la Philharmonie, que Mangen met dans une drôle de perspective. Mais aussi des observations plus intimistes, comme le tableau « Petite branche », où en effet on voit une petite branche dans une sorte d’assiette au fond rouge qui fait partie d’un plus grand ensemble. Une sorte de nature morte façon street art, évoquant aussi bien les grands maîtres de la peinture moderne (pour la composition du tableau, on pense notamment à Matisse) que les techniques de la rue – que Mangen maîtrise avec brio.
D’autres tableaux évoquent des périodes de la peinture moderne. Avant tout les toiles associées aux ondes dans leurs titres : on ne peut pas ne pas y voir un lointain écho des travaux des époux Delaunay au début du 20e siècle, avec tous ces cercles colorés qui peuplent l’espace.
Pourtant, les travaux d’Eric Mangen savent aussi raconter des histoires, ou du moins les suggérer. Comme le tableau évoquant une station de métro tokyoïte : la perspective de l’utilisateur des transports en commun qui monte les escaliers, juste pour entrevoir une énorme masse rouge qui dégouline des carrelages au prochain tournant, laisse la possibilité au spectateur de se faire son propre petit film.
L’éclectisme de Mangen ne s’arrête pas là pourtant. Il a aussi produit des toiles qui, ne serait-ce que pour leur titre, sont totalement abstraites, comme « Credit Card Surfing ». Mais en général, on peut constater que la dimension urbaine est toujours une prérogative de la créativité de l’artiste : façades, panoramas et autres éléments se fondent dans une multitude de tableaux.
Ce qui est intéressant avec « Inertie », c’est que le résultat est tout sauf inerte. Au contraire, la dynamique qui se dégage de la plupart des tableaux est carrément enivrante et envahissante. Et elle explose en autant de styles et de thématiques que l’artiste sait dompter.
Était-ce la contrainte temporaire qui a provoqué ce cirque pictural ? Difficile de le savoir, et pourtant une chose est sûre : l’univers établi par Eric Mangen en 14 jours dépasse de loin la capacité et la qualité de production de certains artistes dits « établis ».
Jusqu’au 15 janvier dans le cloître Lucien Wercollier de Neimënster.
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