Luxemburgensia : Explorateurs et commerçants

Durant la majeure partie du 19e siècle et avant la Seconde Guerre mondiale, l’Amérique latine a été une destination prisée de nombre de naturalistes luxembourgeois. C’est aux résultats de leurs recherches que le Naturmusée consacre une exposition temporaire, alors que les salles permanentes se refont une beauté.

(Photos : Musée national d'histoire naturelle)

(Photos : Musée national d’histoire naturelle)

Qui de nos jours connaît encore Johann Philipp Bettendorf ? Ce père jésuite d’origine luxembourgeoise a pourtant fondé la ville de Santarém, en Amazonie. Mais le précurseur des naturalistes grand-ducaux – son aventure coloniale se déroule entre 1661 et 1698 – a aussi à son actif la première description imprimée d’une plante qui fait le bonheur de certains cercles aujourd’hui : le guarana, principal contenu de nombreuses boissons gazeuses ou énergisantes.

L’exposition temporaire du Naturmusée nous emmène donc sur les traces de ces explorateurs qui allaient chercher fortune par-delà l’Atlantique. Car il s’agit bien de commerce aussi : si certaines descriptions rapportées ont permis des avancées réelles dans les domaines de la botanique, de la géologie ou de l’anthropologie, l’exemple de Jean Jules Linden est parlant. Financé après quelques succès par le richissime Jean-Pierre Pescatore, Linden a certes permis de révolutionner la culture des orchidées en Europe et écrit un traité remarqué, mais il a surtout fondé un empire commercial de production et de vente de ces fleurs.

Faut-il encore citer la Belgo-Mineira, tête de pont de la sidérurgie luxembourgeoise au Brésil ? Les expérimentations scientifiques et les plantations d’eucalyptus qu’elle commanditait avaient évidemment pour but de créer les conditions locales d’une meilleure production d’acier. Mais le dégagement des nids de fourmis sur ses terrains a fourni des spécimens parfaitement remarquables, toujours conservés, et qu’on peut donc admirer.

1360_expo_2La muséographie de l’exposition a l’intelligence de ne pas éviter ce sentiment ambivalent, et traduit finalement plutôt bien l’impression mitigée que le visiteur peut ressentir devant certains relents de colonialisme. Le parcours est conçu comme un voyage, avec au départ un salon européen dans lequel on peut consulter des livres. On y trouvera notamment le fameux traité de Linden sur les orchidées évoqué plus haut, qui décrit d’ailleurs l’espèce nommée en hommage au mécène Pescatore.

Puis on quitte ce confort douillet pour se retrouver au cœur de l’Amérique latine ; mais c’est une Amérique rêvée, présentée à la façon de ces cabinets de curiosités d’avant la fin du 19e siècle, où animaux empaillés, fossiles, papillons épinglés, pierres semi-précieuses et tableaux se mélangent dans un joyeux désordre « exotique ». Seule différence : il y a tout de même dans l’exposition un certain ordre qui permet de ne pas perdre le fil. On trouve aussi quelques surprises, comme ce meuble avec quelques anecdotes sur la vie sentimentale et sexuelle de ces explorateurs vivant entre hommes en pays étranger pendant des mois. Un sujet pas souvent abordé, mais intégré ici avec malice. Et l’exposition n’oublie pas de décrire les cultures indigènes, ni de faire un détour par l’Afrique où les Luxembourgeois ont aussi bourlingué.

Les panneaux informatifs sont réalisés avec soin et donnent de la lecture pour un bon moment si l’on souhaite s’y plonger. Mais certaines stations plus ludiques sont prévues, comme ces boutons qui permettent de déclencher des enregistrements de chants d’oiseaux ou de cris de singes tropicaux. Comme l’explique la plaquette de l’exposition, celle-ci « propose à travers les différentes thématiques et problématiques retenues des lectures à plusieurs niveaux », qui conviendront par conséquent aussi à une visite en famille où chacun trouvera à la fois émerveillement et réflexion.

« Orchidées, cacao et colibris », 
jusqu’au 17 juillet au Naturmusée.

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