Peinture
 : Le boxeur

De retour d’un périple américain, le peintre Eric Mangen s’apprête à exposer dès ce samedi dans l’incubateur d’entreprises de Paul Wurth. Une petite visite d’atelier.

Photos : Valerius Art Gallery

« Tu vois, c’est là où dans le temps il y avait les prostituées, près de Paul Wurth, puis tu passes le temple des témoins de Jéhovah, tu te diriges vers le pont qui mène à Gasperich et tu vois un grand parking » : les indications pour trouver le nouveau lieu d’exposition d’Eric Mangen peuvent se révéler un peu cryptiques tant l’endroit est atypique pour les représentations artistiques. Mais d’un autre point de vue, dénicher encore un endroit insolite au grand-duché, où on croyait que tout avait déjà été fait, reste un exploit.

Un exploit tout comme l’est la genèse des toiles que Mangen projette de montrer dans le hall d’en bas de l’incubateur d’entreprises. « The American Paintings » est une série de peintures que l’artiste a conçue… aux États-Unis cet été. Entre Greensboro en Caroline du Nord et la ville de New York, la créativité d’Eric Mangen a été mise à rude épreuve, comme il le raconte lui-même : « Tandis qu’en Caroline du Nord j’ai été bien encadré et que j’avais un espace à moi pour peindre, l’expérience new-yorkaise a été très différente. » En effet, la Caroline du Nord a été pour lui plutôt la réalisation d’un rêve d’enfance : peindre avec le tuyau d’un camion de pompiers. Invités par le « developer » local Marty Kotis, Mangen et son acolyte australien Matt Adnate ont repeint le Guilford Green Community Center.

Alors qu’ils ont été chouchoutés pendant ce premier épisode du périple, la décision d’aller à New York a eu des conséquences difficiles : « J’ai essayé de trouver un studio où peindre, mais il n’y avait rien à faire », raconte l’artiste. « Pourtant, j’avais la tête qui explosait et il me fallait absolument peindre. M’est donc venue l’idée de fréquenter des chantiers, sur les planches desquels j’ai peint toute la journée – en les mettant à l’abri pour sécher la nuit. » Ce studio en plein air dans Lower East Side va devenir un nouveau terrain de jeu pour le compulsif Eric Mangen, qui va y créer pas moins de 12 tableaux. « L’un d’entre eux a été volé en plein jour, alors il n’existe plus qu’en tant que photo dans le catalogue, et un autre a été abîmé », indique-t-il en montrant un monochrome orange auquel il manque un coin, visiblement arraché dans le but de le subtiliser aussi.

Mais pour Eric Mangen, cela n’est pas un drame : tout au contraire. Le peintre ultraproductif adore l’improvisation, le vivant et les fruits du hasard. Ainsi, il a découvert dans les chantiers de vieilles bombes de laque encore en état de marche, qu’il a utilisées, tout comme des bandanas, des publicités arrachées çà et là ou encore des morceaux d’affiches. C’est que chez Mangen, la création se fait instinctivement, qu’elle est en quelque sorte un exercice physique – comme si la toile était un concurrent dans un ring de boxe, que le peintre n’abandonnera que lorsque celle-ci sera K.O. et à terre. Dans ce contexte, il est tout sauf surprenant de voir que Mangen utilise certaines toiles comme palimpsestes pour en faire de nouvelles quand les premières moutures ne lui plaisent pas, ou qu’il passe par beaucoup de phases intermédiaires afin d’arriver à la toile qui lui plaît.

Car contrairement à d’autres peintres qui travaillent à l’instinct, Eric Mangen ne semble pas fétichiser ce dernier – c’est juste un véhicule qui l’aide à arriver à destination. Et à être en passant l’un des peintres les plus productifs de la scène luxembourgeoise probablement, ce qui devrait plaire à son ami, mentor et roi de la nuit Gérard Valerius, qui possède depuis peu aussi une galerie. « J’ai travaillé pendant des années pour Gérard, et j’ai confiance en lui. Et la confiance entre galeriste et artiste est primordiale », explique Eric Mangen.

En tout cas, l’expérience de vivre ces tableaux créés comme par un défi lancé au corps de l’artiste vaut le déplacement à la mystérieuse destination.

Au Paul Wurth InCub Space, 
du 17 novembre au 2 décembre.

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