Par deux fois, la galerie Clairefontaine rend hommage à l’île rebelle aux portes des États-Unis. En bas, des clichés originaux des années révolutionnaires, et en haut, les impressions du photographe Yvon Lambert.
Deux expositions donc en ce moment à espace 2 de la galerie Clairefontaine. Mais toutes deux tournent autour de Cuba, cette île qui attire les uns autant qu’elle révulse les autres. Pile poile pour le décès du Lider Maximo l’année dernière, la galerie revient sur le mythe Cuba. Dans la première, on peut admirer une longue série de photographies originales – dont certaines, comme le Che au cigare, sont devenues des icônes modernes – des années 1959 et 1960. Même s’il y a des clichés un peu plus récents, comme celui d’un Castro déjà vieilli qui accueille Erich Honecker à la sortie de son avion en 1980.
L’intérêt de ces vestiges du photojournalisme héroïque – car s’aventurer à Cuba dans les années révolutionnaires n’était pas une mince affaire – réside dans les clichés qui ne sont pas encore soumis à la machine de propagande qui était déjà en train de se mettre en place. Ils témoignent donc d’une certaine fraîcheur et d’une ardeur révolutionnaire. Impressionnante par exemple cette image, recolorée à la main, de Fidel Castro souriant et attablé devant plusieurs plats et qui boit un Coca-Cola – donc la boisson emblématique de l’ennemi de classe. Plus violentes sont les images des tanks révolutionnaires dans les rues de La Havane, avec en arrière-fond un autre symbole de l’impérialisme américain, le fournisseur d’énergie Westinghouse. Ou encore celle montrant des manifestants suppliciant au garrot une poupée symbolisant le satrape Batista – l’image rappelle aussi la violence débridée inhérente à toutes les révolutions. Bref : une vision intimiste qui par moments préfigure l’iconographie à venir, mais qui est aussi le témoin d’un entre-deux mondes, celui d’avant et celui d’après la révolution castriste.
La deuxième exposition est consacrée aux photographies d’Yvon Lambert. Sobrement intitulée « Cuba », elle rassemble des clichés en noir et blanc pris par le photographe lors de ses longs séjours sur l’île entre 1996 et 2000. Comme le dit le texte d’explication, Lambert n’a pas succombé au « charme morbide » de l’île. Ici, point de photographies d’habitants envahis par une bienheureuse paresse qui va de pair avec un certain fatalisme dû au manque de perspectives dans le socialisme réel version tropicale.
Mais au contraire, des images pleines d’empathie pour Cuba et les Cubains, qui montrent la vie comme elle est. Parfois banale, comme cette image d’un pêcheur près de la rive, ou des captations nocturnes de La Havane où les gens font les mêmes choses que tous les autres habitants urbains partout dans le monde : ils se baladent, discutent ou s’amusent. Mais il y a aussi des images qui, par hasard ou non, subliment la réalité cubaine et donnent une impression plus profonde de l’état de la société cubaine. Comme celui, majestueux, d’un petit salon, où un jeune garçon est en train d’entrer à contre-jour et dans lequel un poste de télévision d’un autre âge est en train de diffuser un discours marathonien de Castro. C’est surtout l’image floutée, en pleine dissolution, du révolutionnaire juxtaposée à celle du garçon, dont le visage est caché par l’ombre – et qui est donc encore en devenir – qui fait la force de cette photographie. Et qui s’accorde bien avec la première exposition, dans le sens qu’ici aussi on est devant une transition. Juste que le résultat de celle-ci est encore une grande inconnue, et risque de le rester avec l’élection d’un fou furieux bien moins conciliant que son prédécesseur à la Maison Blanche.
Bref, pour les amoureux de Cuba et pour ceux qui veulent dépasser les clichés liés à cette île, un passage à la galerie Clairefontaine s’impose !
Jusqu’au 25 février à l’espace 2 de la galerie Clairefontaine.
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