Photographie : Portraits sans âge

La galerie Clairefontaine célèbre ses 30 années d’existence avec une exposition originale et bien sentie : sa propriétaire, Marita Reuter, a demandé au photographe luxembourgeois Marc Wilwert d’immortaliser connu-e-s et inconnu-e-s dans des portraits grand format.

En lançant sa galerie en 1988, Marita Reuter avait fait preuve d’un optimisme qui s’est confirmé au fil des ans. Elle passe alors commande au photographe allemand Ulay de saisir sur sa pellicule des Luxembourgeois-es pour en tirer les portraits. 1988, c’était l’année des Jeux olympiques de Séoul et la quatrième année du premier mandat de Jacques Santer comme premier ministre du grand-duché. Un autre temps, un autre Luxembourg.

Pour les dix ans de sa galerie Clairefontaine, Reuter décide de prolonger l’expérience. Entre 1998 et 2002, les Allemands Daniel et Geo Fuchs retrouvent les 67 personnes saisies par Ulay. Le duo remplit sa mission par des choix esthétiques forts, colorés et saturés. Pas de série en 2008 par contre, pour les 20 ans de la galerie, et un livre commémoratif en 2013, pour le quart de siècle. Mais ces 30 ans d’expositions rappellent à Marita Reuter son projet de saisir les Luxembourgeois-es de l’époque. 2018 est l’occasion de retrouver les modèles trois décennies plus tard.

Sur les 67 participant-e-s d’origine, 52 ont répondu à l’appel et ont accepté, une nouvelle fois, de poser pour la galeriste. Cette fois, le photographe luxembourgeois Marc Wilwert est aux commandes, non plus derrière un boîtier argentique comme Ulay en 1988, ou à la caméra thermique des Fuchs, mais bien derrière l’électronique du numérique.

Les technologies changent, les visages aussi et l’exposition réunit sur les murs de la galerie les trois époques et les trois artistes invités à entrer dans ce jeu passionnant. En 2018, à une époque où le selfie a triomphé, où le premier adolescent muni d’un smartphone se proclame photographe, Marc Wilwert emploie une technologie très particulière pour ses portraits. Aidé d’un boîtier à lampe annulaire, il capture des visages sans ombre, avec pour objectif de s’interdire toute subjectivité et de délivrer un portrait neutre, chirurgical des modèles.

Sur fond blanc, les visages ressortent parfaitement éclairés. Les yeux, au centre du cadre, parlent aux visiteurs et visiteuses. Le regard de ces portraits, fixe et quasiment vivant, rappelle à quel point la technologie photographique a évolué. Il montre aussi qu’elle a peut-être pris le pas sur les concepts artistiques d’un Ulay ou du duo Fuchs.

L’intérêt de cette exposition est ainsi double. Au premier degré, il montre les chairs qui vieillissent, les peaux qui se patinent, les rides qui se creusent. Mais au-delà des apparences, elle parle beaucoup de l’époque. De la fin des années 1980, du Luxembourg qui s’éveille après des années de crise, jusqu’au triomphe des années 2000.

Elle montre aussi que l’art du portrait a beaucoup changé. L’œil de l’artiste a cédé la place à celui du technicien, qui cherche un sens dans des choix de mise en scène finalement assez standardisés. À l’image de l’époque dans laquelle s’inscrivent les 30 ans de la galerie Clairefontaine.

À l’espace 2 de la galerie Clairefontaine, 
jusqu’au 19 janvier.

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