NILTON MARTINS: La force tranquille

A 29 ans, Nilton Martins a déjà connu le théâtre, les projets indépendants, le cinéma d’Andy Bausch ainsi que la sitcom « Weemseesdet ». Le woxx a rencontré ce jeune espoir qui avance avec détermination.

Même entouré du brouillard de cette fin d’automne
grand-ducale, Nilton Martins garde les deux pieds bien
sur terre et la tête
sur les épaules.

Il aurait tout à fait pu devenir employé de banque. Mais comme il fait partie de ceux qui pensent qu’un rêve est réalisable à condition de s’en donner les moyens, il a choisi de brûler les planches et de se faire projeter sur le grand écran. Sur le petit aussi d’ailleurs. C’est là qu’il incarne finalement… un employé de banque. Car depuis quelques semaines, c’est la profession de Nilton Martins dans la sitcom « Weemseesdet » – il est d’ailleurs plutôt connu sous le prénom de Raul, le fils de la femme de ménage portugaise. Comme quoi le métier d’acteur permet de vivre plusieurs vies, y compris celles auxquelles l’on a échappé. « Notre vie sur terre ne représente qu’un millième de seconde par rapport à la nuit des temps. Il faut faire en sorte d’éviter la monotonie et de laisser quelque chose derrière soi », résume-t-il sa façon d’envisager l’existence.

Si la série qui passe chaque vendredi sur RTL lui permet d’entrer dans les salons des téléspectateurs de la chaîne toutes les semaines, ce n’est pas cette production qui l’a fait découvrir du grand public. Son grand « break through », c’est à Andy Bausch qu’il le doit lorsqu’il y campait Jorsch, un jeune « troublemaker » inexpérimenté dans « Trouble No More ». Une propulsion cinématographique qui a coïncidé avec une formidable transformation physique. Car celui qui peut désormais camper des rôles de séducteur n’a pas toujours eu ce physique de beau ténébreux : dans ses premiers courts-métrages, avec ses 40 kilos supplémentaires, il est méconnaissable. « Je me laissais un peu aller », confie-t-il. Et de se reprendre en main à travers un régime que l’on imagine avoir été draconien.

« Mais ce n’était pas une méthode `Actor’s studio‘ », plaisante-t-il. La cure s’est faite sans coach et sans diététicien qui coûte une fortune et que seuls les acteurs hollywoodiens peuvent se permettre de payer. D’ailleurs, son nouveau physique était à contre-emploi du rôle qu’Andy Bausch s’était imaginé. « Entre le moment où il m’a proposé le rôle et celui où il m’a revu, plusieurs mois s’étaient écoulés pendant lesquels j’ai fondu. Il était alors un peu embêté et m’a demandé de reprendre un peu de poids dans un mail qu’il avait intitulé `Raging Bull‘ ». Et Martins de reprendre 13 kilos, avant de les reperdre sans grandes difficultés.

Toutefois, la méthode du mythique Actor’s Studio, qui fait se fondre l’acteur corps et âme dans son rôle, ne laisse pas Martins indifférent. Il assure ne pas trop craindre de se cantonner dans des rôles où il joue un Portugais, voire, comme ce fut déjà le cas, un Jordanien (« En me laissant un peu pousser la barbe, je passe pour un Arabe »). Mais il est conscient qu’il lui sera plus difficile de se faire passer pour un type plus « nordique ». « Je pourrais évidemment me mettre des lentilles de contact bleues et me teindre en blond, mais je doute que ce soit très crédible ! » Toutefois, « jouer un rôle qui ne me correspond pas » reste pour lui une aventure intéressante, quitte à altérer son apparence, comme lorsqu’il incarna un moine dans « Le moine austère », où, en plus de son embonpoint d’alors, il n’hésita pas à se raser le haut du crâne. Malgré son admiration pour les acteurs caméléons, Martins n’en garde pas moins une distance ironique : il se réfère par exemple au rôle tenu par Robert Downey Jr dans «  Tropic Thunder », dans lequel ce dernier jouait une star de la transformation dont le perfectionnisme l’avait amenée à se muer, via la chirurgie et la pigmentation de la peau, en « véritable » afro-américain. Finalement, la satire a dépassé la réalité et Downey Jr fut récompensé d’une nommination aux Oscars.

« J’arrêterai ce métier le jour où j’arrêterai de respirer »

Quoi qu’il en soit, Martins fait partie de ces acteurs qui ne laissent pas grand-chose au hasard. Au contraire du regretté Thierry Van Werveke, qui faisait vibrer son auditoire par son talent et son charisme puisé dans des faiblesses qui étaient autant de forces, Martins travaille méticuleusement à sa carrière. « J’arrêterai ce métier le jour où j’arrêterai de respirer », dit-il. Pour cela, il a mis en ligne son propre site truffé de vidéos auxquelles il a participé et n’hésite pas à faire un véritable travail de presse pour promouvoir ses derniers projets, dont l’intéressant court-métrage international « Project 11 ». Et justement, rien ne semble arrêter ce jeune homme de 29 ans qui n’est pas prêt à lâcher une carrière prometteuse.

Natif de Remich, ce fils d’une vendeuse et d’un chauffeur de camion reconverti en chauffeur de taxi n’avait aucune prédisposition générationnelle ou sociale pour embrasser une profession artistique. Si son père aime jouer quelques instruments en amateur, Martins n’est pas né entouré des classiques du théâtres. Sa passion pour le cinéma, il l’assouvissait en se rendant en bus chaque semaine une ou deux fois dans une vidéothèque de la capitale. « La location d’une cassette coûtait 250 francs et il fallait ajouter la même somme pour chaque journée supplémentaire. Je faisais donc l’aller-retour ». Entre-temps, la cassette étant tombée en désuétude, il ne peut se résoudre à se séparer de celles qu’il a collectionnées au fil du temps et qui tapissent désormais un mur de son salon. Mais comme il ne suffit pas de regarder des films et de s’imaginer dans la peau du héros, il commençait à toucher de la planche à travers le théâtre de village si populaire au Luxembourg, ensemble avec le club des jeunes de Wellenstein.

Ce n’est que par la suite, une fois son diplôme d’informaticien en poche et après avoir participé pendant deux ans au TOL (Théâtre ouvert du Luxembourg) à une formation dirigée par Jean-François Wolff, qu’il part pour Paris pour en revenir trois ans plus tard diplômé de l’Ecole internationale de création audiovisuelle et de réalisation, section « actorat ». Si l’école est prestigieuse, la ville en elle-même lui a certainement appris tout autant. Posé et aimable (il préfère ne pas déranger la serveuse en train de préparer un café avant de commander le sien au comptoir), il n’en fait pas des tonnes, ne joue pas à l’artiste maudit et parle de son métier d’acteur comme un menuisier parlerait d’ébénisterie. Les phrases qu’il décoche sont franches et claires. « Je suis un lutteur, quand je veux atteindre un objectif, je me donne complètement », dit-il de lui-même, lui qui n’a pas ce snobisme de dénigrer le cinéma populaire, fut-il américain, et qui considère que « Rocky » est aussi une « leçon de vie ». Il est certain qu’à Paris, une des capitales du film européen où les acteurs en herbe grouillent et se bousculent dans l’espoir de percer ou au moins de vivre de leur art, c’est une qualité non négligeable. C’est là aussi que l’on apprend vite à faire ses propres démarches, à se mettre en valeur, à vouloir trouver preneur en sachant que celui-ci ne viendra pas taper à la porte de votre studio. Martins n’hésite pas à comparer le métier d’acteur à celui d’une prostituée : « L’important, c’est de choisir et de trouver le bon client ! », conclut-il en riant.

Et alors, a-t-il trouvé le « bon client » avec « Weemseesdet » ? Il connaît les critiques qui ont été formulées à l’encontre de la première sitcom luxembourgeoise. Il rétorque calmement qu’au Luxembourg, le public compare forcément avec les productions étrangères qui disposent de moyens autrement plus importants. Il a également entendu parler de l’éreintage publié dans le woxx. « Ce n’était pas très positif, je crois ! », dit Martins d’un air narquois. Mais cela ne semble pas trop le perturber. Il préfère raisonner et peser le pour et le contre des commentaires. Forcément, lorsqu’on exerce un métier qui s’adresse à un public, il faut être prêt à recevoir les échos les plus divers, à accueillir les éloges tout comme à affronter les dénigrements. Quoi qu’il en soit, les critiques ne lui font pas peur. Il s’en tient à une formule de bon sens : les prendre en considération et s’en servir pour s’améliorer. C’est simple, mais vu le trajet déjà parcouru, cela semble être tout à fait efficace.


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