Mettre en scène un texte antique – et surtout aussi cryptique que les „Métamorphoses“ d’Ovide – est un défi que le metteur en scène Silviu Pucarete a choisi de relever.
woxx: Pourquoi avoir choisi un texte aussi reculé que les „Métamorphoses“ d’Ovide?
Silviu Pucarete: J’ai été invité par Claude Frisoni, qui voulait que je fasse un spectacle ici, dans cet espace précisément. Il n’y avait donc rien d’autre que le projet de faire un spectacle pour ce lieu. Puis j’ai proposé plusieurs directions, plusieurs pistes de réflexion – et je me suis dit dès le début que l’idée de chercher un texte serait un mauvais point de départ. Je veux dire par là un texte de dramaturgie traditionnelle. Je me suis donc contenté de proposer des thèmes, parmi lesquels figuraient aussi les „Métamorphoses“, qui ont finalement été retenues.
Qu’est-ce qui distinguait les „Métamorphoses“ des autres propositions?
Les „Métamorphoses“ sont un univers extrêmement vaste. Sa dimension poétique et littéraire est énorme et elle nous sert de source pour cette prestation.
C’est-à-dire que le texte entier ne sera pas lu?
Représenter l’intégralité de ce texte sur scène est une chose impossible – à moins de mettre en scène un spectacle qui durera plus ou moins trois semaines. Il ne s’agit pas pour moi de voir les „Métamorphoses“ comme un texte dramaturgique, ni même de dramatiser telle ou telle histoire contenue dans le corpus, mais c’est juste une source d’inspiration pour des éléments, des moments et surtout des images. Car c’est plutôt un spectacle d’images que de textes. Il y aura des citations d’Ovide, mais il ne s’agit pas d’une dramatisation de ce texte.
Comment travaillez-vous? Avec des improvisations?
Oui, nous avons fait de longues séances d’improvisation sur des thèmes très précis tirés de l’oeuvre d’Ovide. Après, nous avons cherché des petits éléments, des bouts dans ces improvisations qui nous servent à la création du spectacle.
Le spectacle sera donc le résultat de ces improvisations?
Exactement, ce qu’on pourra voir, ce seront les résultats de ce vaste atelier.
Vous connaissiez déjà l’abbaye de Neumünster avant d’accepter l’offre?
Je suis venu en 2005 pour le Don Quichotte qui était aussi mis en scène dans la cour intérieure. Et puis je suis retourné plusieurs fois pour voir. Ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit d’un spectacle conçu pour et autour de ce lieu.
D’après les plans qui sont connus – la cour sera inondée d’eau et le spectacle se fera en partie sur des scènes flottantes – votre mise en scène est légèrement mégalomane, non?
Non, pas vraiment. Nous sommes en présence d’un décor naturel déjà très impressionnant d’un certain poids et d’une certaine dimension. L’espace de jeu sera effectivement un grand plan d’eau, mais c’est surtout fait pour avoir un jeu de miroirs avec les falaises.
On a aussi entendu que les acteurs seront en partie nus ou que très légèrement vétus, ce qui est rare sur les scènes luxembourgeoises. Voulez-vous provoquer avec votre interprétation de mythes antiques?
Je ne veux pas provoquer. Je ne pense même pas qu’il y aura beaucoup de nudité dans le spectacle. En tout cas, pas dans le sens érotique du terme. Puisque l’élément principal sera l’eau on n’est pas en smoking, ni en costume de ville. Mais ce n’est pas un spectacle érotique. Ce sera pour une autre fois, peut-être.
Comment se passe le travail avec les acteurs, qui ne se connaissaient pas avant et qui viennent de Roumanie, de France et du Luxembourg?
Le multiculturel fait partie des règles du jeu. C’est une difficulté, mais en même temps une chance de mettre ensemble des gens tout à fait différents, de créer une famille, un mélange. Je pense que ça va donner des résultats. Ce sont des gens de cultures et langue très différentes, mais en ce moment cela fonctionne.
Est-ce qu’il s’agit de votre première expérience avec des projets d’une telle taille et avec des gens tellement différents?
J’ai déjà fait des expériences similaires. Pour plusieurs spectacles j’ai déjà travaillé avec des groupes composites autour de thèmes assez proches de celui que nous traitons en ce moment. Gargantua de Rabelais par exemple ou d’autres vieux textes et bien sûr des textes antiques.
En parcourant votre biographie de travail on ne trouve presque pas de pièces contemporaines.
Oui, c’est vrai, que je suis plutôt attiré par des textes anciens. Je pense que quelque part c’est mon idéologie personnelle et surtout mon goût pour les vieux textes. Je pense que le théâtre à besoin de plusieurs vies pour pouvoir vivre vraiment. Mais je ne suis pas un découvreur de nouveaux textes.
Vous n’aimez pas le théâtre actuel?
Si, beaucoup même, mais je n’ai pas le talent de découvrir ces textes. Et puis, il faut bien que quelqu’un se charge de faire revivre les textes antiques, pour qu’ils ne tombent pas dans l’oubli.
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„Métamorphoses“,
à l’abbaye de Neumünster. Première le 6 juin.