Avec Samuel Bollendorff, un des photojournalistes les plus remarqués des dernières années expose au Luxembourg.
Un pas en avant suffit, et vous voilà plongé dans l’aventure. En ouvrant la porte de l’exposition qui se déroule à l’abbaye de Neumünster, les portes du monde – d’un monde souvent caché – s’ouvrent sans peine pour chaque visiteur. Le thème : la Chine. Mais pas celle de la globalisation, ni celle des jeux olympiques et même pas celle des répressions anti-tibétaines : celle de tous les jours.
Samuel Bollendorff est un homme assez petit, porte une barbe et possède un de ces regards hypnotisants et hypnotisés comme l’ont d’habitude les passionnés. « Chaque photographie représente une histoire », raconte-t-il, « car il est très important que ces images soient vues dans un contexte et non pas comme des clichés exotiques ou esthétiques ». Et des histoires à raconter, il en a, Samuel Bollendorff. Photographe de l’agence « Oeil Public » depuis 1999, les hôpitaux, les prisons, la police et d’autres thèmes de la panoplie fascinent ce photojournaliste, qui d’ailleurs a aussi des racines luxembourgeoises,. Sa série sur les conséquences sociales du sida lui a valu, entre autres, le prix spécial de la fondation Hachette.
Depuis 2006, et avec l’appui du ministère de la culture français, il réalise « A marche forcée », des séries qui doivent capter les oublié-e-s du miracle économique chinois. « Lors de mon premier voyage, ils n’avaient invité que des photographes d’agence dont l’unique boulot était de faire des stocks pour des guides touristiques ou autres campagnes gouvernementales. Leur problème était qu’ils se sont trompés dans le casting en m’invitant », dit-il en gloussant. Alors que les autres faisaient leur travail sans trop s’encombrer de la censure, Bollendorff choisit de mettre en images ce voyage accompagné.
Barbies contre riz
Résultat : quelques merveilleux cli-chés, comme celui qui montre deux journalistes de la télévision chinoise, qui – eux-aussi – les surveillaient. La mise en scène est allée jusqu’à organiser des faux mariages traditionnels pour les journalistes, question de montrer le respect des autorités chinoises pour les coutumes locales. Tout vrai contact avec la population était interdit. Et à chaque fois que des journalistes ont voulu s’entretenir avec des locaux, les gentils accompagnateurs n’hésitaient pas à les discréditer en les traitant de menteurs et d’opportunistes.
Pour les voyages d’après, Samuel Bollendorff choisit de ne plus demander de visa de journaliste, mais de parcourir l’empire du milieu en tant que simple touriste. En fait, c’est beaucoup plus facile. « J’ai fait ce voyage avec un journaliste de `Radio France Internationale‘ qui vit en Chine depuis des années et parle chinois. Ainsi, je n’ai vraiment pas eu besoin de passer par les autorités ni pour les traductions, ni trouver un guide. »
Les clichés qu’il en a tirés sont impressionnants. Des territoires dévastés par l’industrie galopante, des hommes et des femmes montrant des photos de membres de leur famille disparus dans des camps de rééducation, des corps ravagés par des cancers. Le spectateur critique pourrait à la limite observer le clivage qu’il y a entre les belles images d’une part et la misère qu’ils montrent de l’autre. Pour Samuel Bollendorff, ce n’est pas un vrai problème : « Si on veut montrer des images et si on veut que les gens y deviennent attentifs, elles doivent être d’une certaine beauté. » D’ailleurs le paradoxe se résout partiellement à travers les plaquettes explicatives qui racontent in extenso les vies des gens qu’il a pris en cliché. Et même plus, car les photos sont réliées entre elles. Dans l’une des séries par exemple, est racontée l’histoire d’une famille. Le père, qui ne peut nourrir ses enfants par son travail, a été obligé d’envoyer ses filles travailler, pour qu’au moins les fils de la famille puissent accomplir des études. Celles-ci – dont Bollendorff a pu en retrouver une – passent leurs journées entières à assembler des poupées Barbie pour les enfants occidentaux. Les photos ne prêtent pourtant pas tant à scandale, mais accompagnent les personnes dans leur vie de tous les jours. Bollendorff n’est pas un portraitiste de la misère, mais plutôt un chroniqueur passionné par le social. « C’est ce qui m’a toujours fasciné dès le début, je n’ai voulu faire que ça : montrer le monde tel qu’il est. »
Pour cela, il ne rechigne pas à prendre des risques. Comme dans le « village des cancers », où presque toute la population souffre de carcinomes à cause de l’industrie polluante. Pendant son travail, lui et son collègue ont gentiment été sommés de parler au responsable local. Ce dernier – dont Bollendorff a tiré un magnifique portrait entouré par des gardes du corps et portable à la main, sorte de mélange entre businessman et caïd local, preuve que le bling-bling occidental est bien arrivé en Chine – a tenu à leur faire comprendre que de toute façon, les villageois étaient des menteurs et que les deux journalistes feraient mieux de se casser.
Ce que Bollendorff a fait, non sans rapporter d’excellents clichés qui démontrent la schizophrénie que crée l’émergence de la Chine.
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