SALLES DE CONCERT: Deux salles d’un coup

Le week-end prochain, deux nouvelles salles de concert ouvriront leurs portes à Luxembourg. Le woxx s’est rendu sur les chantiers de l’Exit07 et du Verso.

Au milieu de leurs chantiers respectifs: Damiano Nigro (gauche) et Marc Hauser (droite).

La greffe a pris, du moins à première vue. En s’approchant du hall Paul Wurth – désormais connu sous la dénomination Carré-Rotondes – le visiteur constate que les anciennes portes en verre de l’Exit07 ont été installées sur le nouveau site. A l’intérieur, même le bar est importé et les tableaux noirs affichent toujours les derniers highlights de l’année culturelle 2007. Au beau milieu des nuages de poussière, Marc Hauser s’affaire en parlant dans son portable. Hauser a déjà été le programmateur de l’Exit07 pendant l’année culturelle, quand celui-ci se trouvait encore entre les deux rotondes. La réouverture de « son » local – qui était initialement prévue pour le printemps 2008 – le satisfait visiblement. « Nous avons plus de possibilités ici », commente-t-il, « et puis, savoir que cet endroit nous restera pour plus d’un an est une bonne chose ».

En faisant le tour de la salle, on constate que la version 2008 de l’Exit07 présente bien des avantages sur la précédente. La salle est plus haute, ce qui devrait sensiblement améliorer la qualité sonore. Avec la scène plus grande, mais surélevée seulement d’une cinquantaine de centimètres, le public profitera d’une atmosphère nettement moins claustrophobe tout en conservant le contact quasi intime avec les artistes. Les murs fraîchement recouverts de peinture noire ne sont pas sans rappeler la sobriété des salles de la Kulturfabrik. Les escaliers qui mènent au premier étage sont intégrés à la scène, ce qui laissera sûrement assez d’espace pour des mises en scène un peu plus particulières. Les améliorations comprennent un backstage pour les artistes, des bureaux plus spacieux pour le programmateur et son équipe, ainsi qu’une sonorisation fixe qui appartient à la maison et même la possibilité de projeter des vidéos sur deux murs de l’enceinte. Tout cela devrait apporter au nouveau l’Exit07 un succès équivalent à celui rencontré par sa première incarnation.

La seule chose qui a changée est le contexte. L’année culturelle appartient au passé, ainsi que tout le bazar événementiel qui l’entourait. Même si l’Exit07 a été – pour quelques-un-e-s du moins – le cocon permettant de faire d’intéressantes découvertes dans la jungle des méga-événements visant le grand-public, dans sa nouvelle peau il doit aussi composer avec une nouvelle donne. Marc Hauser en est plutôt conscient : « Nous garderons le même esprit qu’en 2007, en proposant une programmation qui mise surtout sur la découverte de talents de la Grande-Région et alentour et en offrant à notre clientèle des concerts éclectiques. Par contre, nous ne pouvons plus compter sur l’effet année culturelle, ce qui veut dire que nous devons petit à petit intégrer le paysage culturel de la ville de façon permanente. »

Exit07 – Enter08

Certains événements comme le « Be My Guest », où des membres de la scène locale peuvent inviter d’autres groupes de leur connaissance qu’ils aimeraient faire découvrir, feront toujours partie intégrante de la nouvelle programmation. Par contre, le bar du nouveau Exit07 ne sera a priori ouvert que pour des concerts ou d’autres événements qui auront lieu dans le nouveau complexe. Point de vue musical, l’Exit07 ne va donc pas réinventer son identité : la musique présentée sera variée, voire expériementale, mais jamais extrême. « Je ne peux toujours pas m’imaginer un concert de death metal ici », renchérit Hauser. En effet, cela n’irait pas avec l’esprit du lieu, qui reste celui d’une maison de la culture financée publiquement, refuge des intellectuels et de celles et ceux qui se prennent pour tels. Un lieu aussi qui ne devrait pas avoir peur d’expérimenter, car les déficits financiers ne seraient pas vraiment un drame. « Même si notre objectif n’est pas de rester déficitaire, d’un autre côté je suis plutôt fier que notre politique des prix d’entrée reste vivable. Les concerts les plus chers coûteront 20 euros au (grand) maximum », ajoute Hauser.

De l’autre côté de la ville se trouve un autre chantier. En traversant le pont sur l’Alzette à Clausen, on peine à entendre la rivière qui se démène sous les pieds du passant, tant les bruits de l’énorme chantier des nouvelles rives de Clausen envahissent l’atmosphère. L’ouverture officielle est prévue pour le 11 septembre et tout le monde travaille d’arrache-pied pour terminer à la date prévue. A l’entrée du chantier, au beau milieu des ouvriers et des hommes en cravate qui y circulent, se tiennent deux types qui, à première vue, ont l’air un peu perdu. Vêtus de t-shirts arborant des emblèmes de groupes punk, les cheveux ébouriffés et même colorés pour l’un d’eux, Damiano Nigro et Gilles Heinisch sont pourtant à l’origine de la seconde des nouvelles salles de concert qui vont ouvrir leurs portes les 19 et 20 septembre. Le Verso, c’est son nom, sera leur boîte événementielle et en même temps une plateforme pour le label de musique Winged Skull que les deux amis ont montés il y a une dizaine d’annés.

« Mais il faut bien comprendre que le Verso – à part que Gilles et moi sommes aussi impliqués dans Winged Skull – n’a rien à voir directement avec ce label », précise Damiano. L’intérieur du club est loin de la sobriété de l’Exit07, ses murs blanchis augmentés de fausses craquelures décoratives font plutôt penser à une attraction d’Eurodisney, et la mezzanine qui surplombe la scène laisse deviner que le club s’attend aussi à autre chose que des concerts à cent pour cent indépendants.

« Ici, on veut faire de tout. Nous ne nous posons aucune limite, qu’il s’agisse d’un concert de métal ou d’un défilé de strings ou même d’un show de live-cooking », rigole-t-il. De telles paroles peuvent choquer dans la bouche de quelqu’un qui a tout de même l’air d’appartenir à la scène alternative, mais ne sont pas incongrues du tout si on considère l’environnement dans lequel le Verso devra survivre. Coincé entre un restaurant de sushis et un bar monté par le patron du Muko Muko, ce n’est pas forcément l’endroit où on viendrait chercher un squat. Ainsi, par la force des choses, les anciens punks sont devenus des businessmen aguerris.

« Mais cela n’empêche pas qu’on collabore avec la scène. Des collectifs comme Schalltot et aussi notre label ont déjà programmé des concerts », affirme Damiano. Dans ce sens, le Verso comble une lacune évidente de la scène luxembourgeoise. Les concerts indépendants peinaient depuis un certain temps pour trouver un endroit convenable. Alors que la Kulturfabrik s’est reconvertie dans le théâtre et la musique world, et que la plupart des cafés-concerts du Sud du pays sont soit en conflit permanent avec les forces de l’ordre soit ne présentent qu’un intérêt limité, une alternative comme le Verso sera la bienvenue. Point de vue infrastructure, le club sur les rives de l’Alzette n’a rien à envier à l’Exit07. La scène est par ailleurs de dimensions identiques et les tailles des deux salles se valent.

Quand il s’agit d’évoquer une possible concurrence entre les nouvelles salles, les langues se délient moins facilement. « Que l’Exit07 ouvre ses portes le même jour que nous est le fruit du hasard », assure Damiano, « C’est dommage, mais nous ne pouvons rien y changer. » Même son de cloche du côté de l’Exit07 : « Nous espérons que ce ne sera pas une concurrence. De toute façon, nous ne le voyons pas ainsi », affirme Marc Hauser.

Tout compte fait ce sera aux consommateurs de décider quelle salle ils préfèrent – ou de fréquenter avec assiduité les deux.

www.exit07.org
www.verso.lu


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