SAUVETAGE DE L’EURO: Sursaut dans le vide

La chute du cours de l’euro par rapport au dollar mettrait en danger la stabilité de la monnaie unique. Rien n’est plus faux. La crise de l’euro serait la cause de la crise politique de l’Union européenne. C’est plutôt l’inverse qui est vrai.

L’alarmisme accompagnant la perte de valeur de l’euro vis-à-vis de la monnaie américaine est compréhensible. Le renchérissement de la prochaine commande sur Amazon.com, voire du voyage à New York prévu pour Noël accablent une partie de la population, grosso modo celle qui, tous les matins, feuillette les pages boursières. Et pourtant : cette perte en valeur n’est guère dramatique pour l’espace économique européen – la plupart de ses échanges commerciaux n’en sont pas affectés puisqu’ils ont lieu au sein de la zone euro. Certes, celle-ci paye plus cher le pétrole importé, mais les prix des biens qu’elle exporte seront plus compétitifs – ce qui conduit nombre d’expert-e-s à voir dans cette chute du cours une excellente chose.

Si l’euro, plus de dix ans après son introduction virtuelle, n’apparaît pas comme une réussite, il faut plutôt en chercher la raison du côté de la crise politique liée à la dette grecque, plus précisément du côté des causes profondes de cette crise. En effet, à la fin des années 90, le compromis politique sur la monnaie unique était fondé sur les fameux critères de stabilité de Maastricht et la création d’une banque centrale européenne dévouée à la lutte contre l’inflation. Cet ancrage dans le monétarisme dogmatique prétendait ignorer les autres dimensions – économiques, politiques et sociales – d’une union monétaire. Certes, les adeptes d’une Europe plus fédérale y voyaient une nouvelle application du stratagème consistant à mettre la charrue devant les boeufs. Hélas, les boeufs ne suivant pas le mouvement, la charrue a perdu son élan et se retrouve dans le caniveau.

Car la décennie passée a été celle de la stagnation européenne. Au niveau politique, des dossiers importants comme celui du budget européen ou celui des services publics sont restés bloqués. Et au niveau social, la ringardise avec laquelle les pays orientaux ont été accueillis les a poussé à recourir au dumping social – et la convergence sociale s’en est retrouvée en panne. Ensuite, le blocage institutionnel causé par l’opposition au nouveau traité n’a pas arrangé les choses. Mais surtout, cette stagnation arrangeait celles et ceux qui, depuis le début, n’avaient d’autre projet européen que celui d’une zone de libre échange.

Jusqu’à ce qu’éclate la crise grecque. Devant la menace d’une désagrégation de la formidable machine à produire des richesses qu’est le marché unique, le patronat et la droite européenne se sont emparés de la formule du « gouvernement économique ». Lors de la préparation de l’union monétaire, cette idée avait été avancée par le comité Delors, qui proposait de coordonner les politiques économiques pour optimiser la croissance et favoriser la convergence des conditions de vie. Or aujourd’hui, cette idée, rebaptisée « gouvernance économique », est réduite à un droit de regard des pays économiquement forts sur les politiques budgétaires des pays fragilisés. L’Allemagne rêve d’imposer ses recettes d’austérité au reste du continent, ce qui enclencherait une spirale déflationniste de pertes de pouvoir d’achat, de nouvelles crises budgétaires et de dumping social renforcé. C’est ce projet-là, caricature de l’Europe politique dont on a pu rêver, qui met aujourd’hui en danger l’édifice européen jusque dans ses fondements.


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