« Salto » – saut – c’est le mot par lequel les immigrant-e-s du Portugal désignaient le passage de leur pays à travers l’Espagne vers la France et d’autres pays européens, pour la plupart avec un « passeport de lapin », c.-à-d. clandestinement. Un saut qui catapultait des jeunes gens avides de liberté et en quête de travail, d’une dictature salazarienne, au-dessus de l’Espagne franquiste vers l’Hexagone, en manque d’ouvriers et d’ouvrières et au droit de séjour large. Un saut également qui épargnait aux jeunes hommes le service militaire obligatoire de quatre ans voire la guerre coloniale. Au début, bon nombre faisaient les étapes entre les frontières en camion, en traversant les Pyrénées à pied, à l’aide d’un « passador ». Mais plus tard, on voyageait en train, visa touristique en poche.
Les gares de frontière, Cerbère et Port-Bou du côté méditerranéen, Hendaye et Irún sur la côte atlantique, étaient des haltes obligées, les largeurs différentes des voies espagnoles et françaises imposant de changer de train, mais aussi des gares de correspondance et surtout des postes douaniers, donc des lieux d’attente. Des bornes entre entre régimes dictatoriaux et liberté escomptée. Le Centre des Migrations de Dudelange nous propose avec « Sala de espera » – salle d’attente – un retour en arrière sur la gare de Hendaye, un matin de fin des années 60. La salle d’expo dans la gare « Dudelange-Usines » convient donc particulièrement bien cette
fois-ci.
« Espera » – attente – à ce mot se mélangent espérance, expectative, perspective. Et c’est ce qu’on lit dans les regards de ceux et de celles que le jeune photographe Gabriel Martinez a rencontré en gare d’Hendaye, il y a quarante ans. Mais pas seulement. Attendre le meilleur, c’est aussi faire ses adieux à un monde abandonné derrière soi : liens familiaux et amicaux, expériences souvent amères, mais partagées. L’espérance dans ces regards se mêle à la tristesse et aux regrets. Gabriel Martinez a su captiver ce moment de suspension du trajet migratoire entre passé et futur. La lumière oblique qui entre dans la salle d’attente tombe sur les rayures des bancs en bois, sur les corps endormis qui s’y étendent. Sur les valises. Sur les visages des gens qui se parlent ou qui regardent le photographe.
Les images montrent des gens simples, issus de milieux paysans. Contrairement au cliché, ce ne sont pas uniquement des hommes, mais aussi des mères de famille, des jeunes femmes célibataires. Ils voyagent
seul-e-s, en couple, en famille, entouré-e-s d’enfants. Les enfants, en train de jouer, d’explorer, d’observer, s’appropriant de la sorte ce havre passager, sont d’ailleurs l’élément dynamique dans ces photos. Leur vivacité contraste avec le calme des adultes, pour lesquels la salle d’attente offre un moment de repos ou de causette tranquille. Le photographe, sans briser l’étrange unité de ce groupe bigarré, devient le messager du nouveau monde dans lequel ils vont bientôt plonger, représentant d’une société qui semble plus étonnée de ces nouveaux venus qu’ils ne le sont de leur propre destin.
Gabriel Martinez : Sala de espera. Gare de Dudelange, jusqu’au 27 mars.
Le « rendez-vous du dimanche » de ce 13 février est consacré aux « Portugais du Luxembourg ». Y interviendront Fernand Fehlen (sociologue, enseignant-chercheur à l`Université de Luxembourg) et Paulo Lobo (photographe et initiateur du blogue „terra de vida“). La manifestation se tiendra à 15h
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