Les réformes scolaires du ministère provoquent beaucoup de remous. Y compris au sein du corps professoral et des syndicats le représentant. Le woxx publie un courrier d’une enseignante déçue de son engagement syndical.
Mue par le désir de faire bouger les choses, je me suis engagée pendant de très longues années au sein d’un des syndicats pour enseignant-e-s du pays, le SEW (Syndikat für Erziehung und Wissenschaft) de l’OGB-L. Ce syndicat m’offrait plus qu’un compte d’épargne intéressant et une cotisation annuelle peu onéreuse : la promesse d’une meilleure école. Avec mes collègues, je voulais changer un système qui me paraissait déjà sclérosé et caduc il y a vingt ans. Avec eux, j‘?uvrais pour une école publique de qualité et plus équitable. À l’époque, nous n’arrêtions pas de revendiquer une réforme en profondeur, un véritable changement des contenus et des méthodes de travail et non pas seulement des modifications mécaniques de calcul de moyennes et de critères de promotion.
Depuis quelques années, une ministre s’est attelée à cette tâche. Et voilà que j’ai dû constater que mon syndicat, qui avait toujours été pour les changements en profondeur, l’était de moins en moins et se rapprochait de plus en plus des préoccupations des deux autres syndicats, à savoir la préservation du statu quo et des acquis – normal pour un syndicat me direz-vous. Innovation et action syndicale sont-elles donc incompatibles ?
Un exemple : le projet PROCI allait beaucoup dans la direction d’un changement en profondeur, avec l’approche par compétences, une équipe réduite de professeurs, une leçon de tutorat, le fait de garder les élèves dans une même classe de 7e jusqu’en 9e et de les faire progresser le plus possible en travaillant de manière plus différenciée. Néanmoins, mon syndicat était plutôt contre. Me sentant de plus en plus isolée avec mes convictions et positions, j’ai commencé à prendre mes distances et je suis devenue co-coordinatrice des classes PROCI de mon lycée. Après huit ans, je reste convaincue de cette approche et les résultats PISA nous donnent raison pour la deuxième fois consécutive: les élèves du PROCI passent de 7e en 9e sans redoubler et réussissent quand même mieux que les élèves des autres classes de l’enseignement technique. Et ce avec une leçon de moins en langues et en mathématiques. Les syndicats restent quand même sceptiques.
Après la réforme de l’enseignement fondamental, c’est au tour du secondaire. Logique : dans deux ans arrivent les enfants qui ont connu la nouvelle approche. Nous devons être prêts à les accueillir. Le ministère travaille selon un échéancier très précis et a délibérément opté pour une démarche participative. 15 lycées ont relevé le défi : pendant toute l’année passée, ils se sont retrouvés régulièrement pour réfléchir autour des sujets phares de la réforme du cycle inférieur. Il s’agit d’analyser, d’échanger et de tester les pratiques gagnantes qui existent déjà dans beaucoup de lycées. Mon syndicat est plutôt négatif.
Depuis peu, les événements se précipitent : après les élèves, ce sont les professeurs qui commencent à se manifester et à protester avant même qu’ait débuté la démarche consultative prévue. Et le voilà encore en première ligne : mon syndicat, aux côtés du syndicat le plus conservateur du pays (le troisième ayant les mains liées depuis que la CGFP a signé un accord en matière salariale et statutaire contesté). Cette fois, c’en est trop ! NON, tout n’est pas rose dans les mesures proposées ; NON, nous ne savons pas toujours où nous allons car : OUI, c’est un changement de paradigme qui s’annonce et qui touche au c?ur même de notre identité professionnelle, et ce n’est pas facile. Et OUI, le ministère et la ministre font des erreurs, ont des pannes de communication agaçantes. Et pourtant : je continuerai à m’engager pour faire bouger les choses. Le lycée a besoin de changer pour que les jeunes aient plus de chances et soient mieux préparés à leur vie après l’école. Depuis plusieurs années, mon engagement se fait en dehors du syndicat. Aujourd’hui, je vois mon action contrecarrée par des discours syndicaux peu constructifs, empreints de mauvaise foi et je le regrette profondément. C’est décidé : je ne ferai plus partie d’aucun syndicat.
L’auteure est enseignante de français, co-coordinatrice de classes PROCI et ex-membre du comité du secondaire du SEW.
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