Qui aurait cru que la photographie engagée socialement pourrait être drôle de nos jours ? Pas grand monde probablement. Mais la photographe Dulce Pinzón l’a fait, comme le démontre son exposition « The Real Story of the Superheroes », en cours ce moment à la galerie Clairefontaine.
Pinzón est née à Mexico-City et depuis ses débuts en art, elle s’intéresse de près à l’identité mexicaine. En tant que photographe, elle excelle plutôt par la mise en scène de ses images que par leur valeur dans l’absolu. Cette recherche de l’efficacité s’explique peut-être si on tient compte de ses études de « Mass Media Communications », qui ont pour but de créer et de transmettre des images fortes, voire parfaites. Ces techniques, qui sont usuellement employées par la propagande commerciale et politique, sont habilement détournées par la photographe, qui les utilise pour valoriser ses sujets et son message. Si dans des séries antécédentes elle s’était approchée de la question du métissage – dans la très belle série « Multiracial » par exemple – « The Real Story of the Superheroes » traite exclusivement d’ouvriers mexicains travaillant aux Etats-Unis.
Ces hommes et ces femmes, qu’elle portraite dans des costumes de superhéros connus – la plupart vient directement de l’univers bien connu de Marvel Comics – sont pour Pinzón les vrais héros de leur temps. Non seulement parce qu’ils acceptent de travailler, souvent à plusieurs endroits, dans des conditions souvent indécentes et impensables pour un Européen ou Américain moyen, mais surtout parce que leur travail est indispensable à la survie de leurs familles restées au Mexique. Et si on prend en compte qu’un Mexicain sur dix réside entre-temps aux Etats-Unis (les chiffres de 2008 parlent de 11,4 millions de personnes), on comprend plus aisément que l’économie mexicaine est depuis devenue dépendante des flux monétaires venant du Nord. Mais l’inverse est vrai aussi, dans la mesure où l’économie états-unienne ne fonctionnerait certainement pas sans l’apport des Mexicains, avec ou sans papiers, corvéables à merci et généralement peu enclins à réclamer leurs droits à un train de vie digne et humain. Ainsi, les superhéros sur les épaules desquels repose cette interdépendance économique sont les femmes et les hommes portraités par Pinzón.
Ce qui étonne dans ses photographies, c’est l’apparente légèreté avec laquelle les sujets s’adonnent à leur tâche. Ce qui est simplement dû à la connotation avec le monde fantastique des superhéros devient pourtant réalité pragmatique dans les annotations que Pinzón a ajouté à chaque photo. S’y trouvent : le nom, l’origine, le boulot et les sommes que cette personne verse régulièrement à ses proches. Et avec des sommes qui peuvent aller jusqu’à 400 dollars par semaine, on s’imagine aisément la misère quotidienne que ces travailleurs doivent endurer. En d’autres termes, les Américains feraient mieux d’oublier « leurs » héros guerriers embourbés dans des guerres économiques et revanchardes à l’autre bout de la planète et leurs superhéros qui sont du domaine du fantastique et donc de la distraction. Et de commencer à honorer ce peuple qui souffre en silence, chez eux chaque jour, mais sans lequel ils ne pourraient même pas commander un café chez Starbucks…
A la galerie Clairefontaine, jusqu’au 14 mars.
Das könnte Sie auch interessieren:
- Ausstellung „Xanti Schawinsky: Play, Life, Illusion – a Retrospective“: Von Spektakeln und Steppmaschinen
- Kunstausstellung: Bilder einer finanziellen Alternative
- « Des rues de Lisbonne au Luxembourg » : suivez le guide avec le woxx
- Kunstausstellung „My Last Will“: Mein Wille geschehe
- Fotografieausstellung: Die Erde als Kugel und andere Realitäten