ARCELORMITTAL: La grande muette

La tactique du salami ne prend plus vraiment. C’est ce que l’on peut retenir de la stratégie de (non-)communication qu’emploie Arcelormittal. Entre-temps, les fronts du conflit social s’élargissent.

« Non, on ne peut pas communiquer sur le plan Omega, ni sur Lean », clarifie d’emblée l’homme de presse d’Arcelormittal Luxembourg, Arne Langner, « sauf vous dire qu’il s’agit d’une approche destinée à accroître la productivité du groupe ». Et dans la novlangue managériale employée par les officiels d’Arcelormittal, « l’accroissement de la productivité » rime souvent avec licenciements, ce qu’il n’est pas vraiment nécessaire de répéter ici. Mais l’heure n’était pas aux mauvaises nouvelles ce mercredi après-midi dans la centrale du géant de l’acier au Rousegäertchen, où le groupe a présenté son « Rapport 2011 sur la Responsabilité d’Entreprise ». Un rapport qui se lit pourtant comme un document provenant d’une autre planète, tant tout ce qui y est décrit est essentiellement positif. Seul point critique admis : le taux de fréquence des accidents entraînant un arrêt de travail. Dans les usines luxembourgeoises, il est de 2,87, alors que la moyenne du groupe est de 1,43. « Nous n’avons aucune excuse pour cela, ni d’explication », fut le commentaire. Pourtant, le taux a baissé, puisqu’en 2010, il était de 3,06. Ce qui s’explique aussi par les arrêts « temporaires » à Schifflange et Rodange tout comme les meilleurs résultats en ce qui concerne les émissions de CO2 – si on produit moins, on pollue moins, c’est logique.

Pour le reste, la présentation du rapport s’est concentrée sur une ribambelle de bienfaits d’Arcelormittal, comme sa fondation, les formations continues – qui sont tout de même des obligations légales – et les innovations : de nouvelles palplanches, le produit-phare d’Arcelormittal Luxembourg, qui sont utilisées pour des projets aussi prestigieux que le Burj al-Arab à Dubaï ou encore le Freedom Tower. Malheureusement, le futur ne sera pas aussi prestigieux pour les cadres d’Arcelormittal : suite à la réunion du comité d’entreprise européen, qui s’est tenue au même moment que la conférence de presse, on ne peut que dire que les plans « Lean » et « Omega » vont immanquablement faire des dégâts au Luxembourg, mais pas quand et combien – toutes les décisions seront prises courant 2014. Mais elles concerneront les quelque 1.000 employé-e-s Arcelormittal, sur les 5.197 en tout, qui travaillent dans les ressources humaines, la vente, l’informatique ou encore la recherche et le développement – ce qui est un très mauvais signe. Entre-temps, Valérie Massin, responsable entre autres pour le dialogue social, a du moins pu donner quelques chiffres concernant les cellules de reclassement (CDR). En ce moment, quelque 500 personnes s’y trouvent, dont une partie seulement a pu être réaffectée à des postes pérennes, tandis que d’autres sont partis en préretraite (payées par l’Etat tout comme les CDR), d’autres encore se sont vus assignées des missions temporaires et finalement une partie a été sous-traitée. On le voit, quand Arcelormittal parle dans son rapport d‘ « investissement dans nos salariés », cela ne concerne pas vraiment ceux dont on veut se débarrasser pour des raisons de « productivité ». D’ailleurs, ni Valérie Massin, ni Arne Langner n’ont voulu commenter les rumeurs autour des investissements à Belval – un nouveau train promis – qui ne seraient plus d’actualité. Quand on sait que le ministre de l’économie Etienne Schneider voit ces investissements comme une condition sine qua non de la continuation des financements des CDR et préretraites par l’Etat, on peut dire que cette question risque de devenir essentielle dans les mois et années à venir.

En tout cas, Arcelormittal a de plus en plus de mal à maintenir sa façade de « corporate identity », derrière laquelle se profile le visage hideux du néolibéralisme industriel.


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