BILAN PROSPECTIF: 2014, nous voilà !

Toujours à la pointe de l’innovation, le woxx vous propose un article que vous ne pourriez lire ailleurs. Tandis que nos concurrents s’échinent à établir le bilan de l’année 2012, nous vous livrons, à la faveur d’un corridor spatio-temporel dont nous seuls disposons, celui de 2013.

Notre petit secret: au début identifié comme un «bug», ce mystérieux programme s’est rapidement révélé être une brèche dans l’espace-temps…

Dans son allocution de Noël, le tout nouveau souverain appelle au « retour à la normalité ». Le grand-duc Guillaume V sait de quoi il parle : alors que depuis plus d’une cinquantaine d’années les gouvernements luxembourgeois sont marqués par une stabilité hors norme, c’est ironiquement la Cour grand-ducale, symbole de la continuité et de la stabilité, qui fut assaillie de remous. L’abdication prématurée d’Henri au mois de septembre est d’une lourde charge symbolique. Marqué par une série de maladresses (les bijoux familiaux, le Gréngewald, la loi sur l’euthanasie et finalement l’affaire du Srel), sa position n’était plus tenable. Pourtant, l’on aurait pu croire qu’il choisît, à l’instar de son oncle, le roi des Belges, de se maintenir, tant le pays a traversé tout au long de l’année une crise après l’autre. D’un autre point de vue, la popularité de son fils fraîchement marié, ainsi que son image de jeune homme proche du peuple (le premier à s’exprimer en luxembourgeois sans accent) pouvait donner un coup de fouet à la seule institution, la monarchie, dont on aurait pu penser qu’elle fût l’unique à être épargnée des vicissitudes d’une époque en crise.

A peu de choses près, l’année 2013 aurait d’ailleurs pu être marquée par un doublon historique : la démission tout aussi précoce du chef du gouvernement et l’annonce d’élections anticipées. Mais ce fut sans compter avec la résilience de la majorité CSV-LSAP. De plus, les élections régulières auront lieu prochainement et aucun parti politique n’est tenté de se lancer dans la bataille électorale avec si peu de préparation. Celle-ci bat toutefois déjà son plein et les six mois à venir promettent d’être particulièrement mouvementés.

« Ce serait pire sans nous ! »

Car rien ne va plus depuis la déclaration sur l’état de la Nation au mois de mai. Le premier ministre l’avait pourtant annoncé l’an passé : de nouvelles mesures de « consolidation budgétaire » y seraient présentées. A cela s’ajouta la manipulation supplémentaire de l’index dont la prochaine tranche tombera « au plus tôt » en 2016. Cet acte de « courage et de réalisme politique », selon le ministre de l’Economie Etienne Schneider, a ébranlé davantage les relations déjà tendues que son parti, le LSAP, entretient avec l’OGBL. Et son interview accordée au Paperjam du mois de juillet n’a pas contribué à arranger les choses : se félicitant d’être un « briseur de tabous », il s’est dit ouvert à réfléchir au principe même d’un salaire minimum. « Etre socialiste, c’est refuser les conservatismes. Il faut arrêter d’imaginer que tout serait dû. Prétendre qu’une société puisse se reposer sur les minima sociaux, c’est faire le lit des populistes », a-t-il déclaré. La presse s’est longuement interrogée de savoir si cette sortie fut improvisée ou soutenue par le chef du gouvernement. Mais de toute évidence, la direction du LSAP n’a guère apprécié. Le chef de la fraction, Lucien Lux, s’en est tenu à désapprouver la déclaration de son camarade : « C’est justement notre maintien au gouvernement qui assurera la défense des acquis sociaux. Sans nous, croyez-moi, ce serait bien pire ! »

Un point de vue peu goûté par le conseiller d’Etat Dan Kersch et l’échevine eschoise Vera Spautz qui se sont fendus – cette fois-ci ensemble – d’une énième lettre au Tageblatt, appelant la direction du LSAP à revenir aux « fondamentaux du parti », excluant toutefois de le quitter, car, « sans nous, la situation au parti serait bien pire ». Mais peut-elle empirer davantage ? Les sondages ne sont pas optimistes. Qu’il s’agisse de celui du mois de juin ou du dernier publié il y a deux semaines par le Tageblatt, l’érosion du LSAP est continue : en juin 2014, il ne pourrait se retrouver qu’avec une dizaine de sièges, devancé par le DP et dangereusement talonné par les Verts. Ironie de l’histoire, le LSAP pourrait néanmoins conserver sa place au gouvernement. Favori des sondages et ayant définitivement détrôné Jean-Claude Juncker de la « pole position », le bourgmestre de la capitale Xavier Bettel se sent pousser des ailes et n’exclut plus aucune option.

Après avoir déclaré sur RTL qu’il se verrait bien diriger une « coalition progressiste », plusieurs hiérarques socialistes et verts ont appelé de leurs voeux la formation d’un gouvernement « sans CSV », c’est-à-dire DP-LSAP-Verts. Xavier Bettel en nouveau Gaston Thorn ? Juncker s’est dit prêt à relever le défi, sans pour autant se priver de quelques piques, rappelant que Thorn « avait compris le sérieux de la situation de crise que le Luxembourg traversait alors ». Quant à Michel Wolter, le président du CSV, l’on se demande si son « soutien inconditionnel à Jean-Claude » est si sincère que cela, depuis qu’il a déclaré, dans les colonnes du « Wort », qu’un « parti moderne comme le CSV devait aussi lâcher de temps en temps les brides du pouvoir ». Le calcul de Wolter est clair : Jean-Claude Juncker n’imiterait pas Werner en devenant le nouveau chef de l’opposition. Il s’effacerait de la scène politique nationale et Wolter, en tant que chef du parti, aurait les coudées franches pour s’installer à l’Hôtel de Bourgogne en 2019 au plus tard…

Wolter en embuscade

Toutefois, il serait hasardeux de tirer de tels plans sur la comète. A l’allure où va la dégradation économique dans l’ensemble de l’Union européenne, la vie politique, même au Luxembourg, n’est plus un long fleuve tranquille. Les 15 sommets d’urgence et de « la dernière chance » des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro n’ont fait qu’accoucher de mesures d’austérité de plus en plus drastiques. Quant au nouveau gouvernement grec emmené par le premier ministre Alexis Tsipras, surnommé le « Chávez des Balkans » par le « Financial Times », il a annoncé l’élaboration d’un plan de sortie de la monnaie unique – dont les critères de convergence rendent impossible la volonté d’Athènes de réorganiser l’économie du pays. Parallèlement, la politique de « rupture avec le néolibéralisme » qu’il prône soumet le pays à diverses manoeuvres de déstabilisation politique de la part des « marchés » qui n’ont pas apprécié l’arrêt des négociations avec les « bandits » de la Troïka. De plus, le noyautage de la police par les nazis d’« Aube dorée » laisse planer de mauvais augures sur le Péloponnèse. L’extrême-droite est certes minoritaire en Grèce, mais elle ne s’embarrassera pas de balayer par la force un gouvernement radicalement de gauche. Et si la presse internationale qualifie Tsipras d’« homme le plus dangereux d’Europe », l’on se rend compte que les oligarchies européenne et mondiale pourraient considérer l’accession de fascistes au pouvoir comme un moindre mal face au « danger communiste ».

L’on ne sait donc trop ce que 2014 nous réserve. La Grèce va-t-elle réussir à enflammer l’espoir d’une direction alternative au néolibéralisme au sein de l’UE ? Au Portugal, ce sont plusieurs dizaines d’officiers de l’armée qui ont apporté leur soutien aux centrales syndicales qui mènent une longue grève générale depuis déjà quatre mois. Un scénario difficilement imaginable en France où les principaux syndicats ont annoncé un « grand front uni comme au Portugal » si le gouvernement Ayrault et le président Hollande – crédité de 18 pour cent d’avis favorables dans les sondages – ne se décidaient pas à oeuvrer « pour l’emploi et contre la pauvreté » dans les semaines à venir. Un voeu pieu probablement : dans son allocution de nouvel an, le président français Hollande a appelé « toutes les forces vives de la République » à engager le « dur combat pour la compétitivité ». Un appel salué par la chancelière Merkel et son gouvernement CDU-CSU-Grünen. On a les soutiens qu’on mérite.


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