Jean-Claude Juncker s’est enfin résolu à appuyer un droit à l’information pour tous. Pourtant, même le projet de loi sur lequel il entend s’appuyer est très critiqué.
On n’y croyait plus. Les journalistes qui avaient fait le déplacement à l’annuel pot de nouvel an que leur dédie le premier ministre ont dû croire rêver, en entendant Jean-Claude Juncker évoquer la loi tant attendue sur le droit à l’information. Une loi qui ne serait pas uniquement conçue pour les journalistes, mais qui garantirait à tout le monde le même accès aux informations détenues par les administrations étatiques et communales.
Ce qui étonne dans cette proposition, c’est qu’elle vient de la bouche de la même personne qui jusqu’ici refusait catégoriquement toute avancée dans cette direction. Alors que le Luxembourg est avec Malte et Chypre le seul pays européen à ne pas disposer d’une telle loi et qu’au niveau international, il se retrouve aussi isolé : même la Turquie, un Etat pas vraiment connu pour ses largesses en matière de démocratie, dispose d’une telle législation. Dans ce sens, le retard accumulé par le grand-duché dépasse même celui dont il a l’habitude quand il s’agit d’adapter les lois et d’introduire, voire de réglementer, des nouveautés. Donc, ce petit pas pour Juncker pourrait être le début d’une réelle révolution copérnicienne dans la société luxembourgeoise. Car non seulement une bonne loi sur l’accès à l’information serait un très bon outil de travail pour les journalistes, qui trop souvent se heurtent au mutisme des administrations lorsqu’ils enquêtent dans des dossiers sensibles, mais le citoyen en profiterait aussi. Cela consisterait en un véritable retournement de situation : en cas de conflit avec une administration, celle-ci ne pourrait plus se cacher derrière son mur de silence, mais serait au moins contrainte à partager ses informations. Un grand changement de mentalité sera nécessaire chez les fonctionnaires luxembourgeois, pas tous connus pour leur amabilité et leur volonté de coopérer avec leurs « clients ». Jusqu’ici, seulement des informations concernant l’environnement pouvaient être diffusées. Et encore, l’ONG Greenpeace a dû engager une bataille juridique pour que le ministre Krecké consente enfin à lui donner les détails de l’étude sur les réseaux Cegedel de 2005.
Révolution copérnicienne
Pourtant, on en est toujours très loin, alors que les différentes tentatives d’adapter le Luxembourg au standards internationaux en matière démocratique ne datent pas d’hier. Un premier projet de loi avait déjà été déposé par le socialiste Alex Bodry en 2000. A force d’attendre, le projet a été écarté. Une seconde chance aurait pu être prise lors du renouvellement de la loi sur la presse en 2003, mais malheureusement, personne – même pas la presse – n’avait pensé à introduire un article garantissant un accès à l’information. Puis, quelques années plus tard, le ministère d’Etat a envoyé au conseil de presse un avant-projet de loi sur l’accès à l’information. Mais ce dernier l’a retoqué unilatéralement en l’appelant même une « loi de désinformation », comme l’écrivait la journaliste du Land Ines Kurschat dans une contribution au magazine forum en juin 2011. Le hic, c’est que ce soit bel et bien cet avant-projet de loi sur lequel Juncker entend se baser. Il faudra alors un lobby fort qui unirait journalistes et citoyens pour l’en empêcher et de forcer le gouvernement à instaurer une loi garantissant l’accès aux informations digne de ce nom. La bataille ne fait que commencer.