Pour préparer le débat parlementaire sur les futures relations entre Etat et communautés religieuses, le ministre des Cultes a organisé un séminaire avec tous les concernés.
Invité par le ministre Biltgen, tout le gratin confessionnel était présent ce mercredi à l’occasion du débat avec la commission d’experts qui a rédigé un rapport sur l’avenir des relations entre l’Etat et les communautés religieuses (voir woxx 1183). Il y avait donc : les églises catholique, protestante, anglicane, orthodoxe et néo-apostolique, les communautés musulmane, juive et même les bahaï – ne manquaient que les pentecôtistes, les témoins de Jéhovah et – pourquoi pas ? – la scientologie. Les seules voix de la raison dans ce bel assemblage étaient l’Aha (Allianz vun Humanisten, Atheisten an Agnostiker) et les représentants de l’Alpe – réunissant les professeurs d’éthique – ainsi qu’une représentante des instituteurs. François Biltgen est ostensiblement toujours partant pour mettre en scène un dialogue, qui, si son coup réussit, servira surtout à graver dans le marbre les privilèges de l’église catholique, tout en redistribuant un peu le reste du magot des impôts.
Tous discriminés.
Pour le débat, il avait choisi trois axes : les relations constitutionnelles, les modes de financement et l’éducation religieuse à l’école. Le scénario de la discussion a presque toujours été le même : tout le beau monde attendait qu’Erny Gillen, le vicaire général de l’église catholique, ouvre les hostilités. Après cela, une riposte en règle de l’Aha – qui se faisait représenter par Jean-Paul Lickes, auquel on peut décidément attribuer un certain talent d’orateur et de charmeur. Pour terminer, c’était au tour des autres communautés religieuses. Et là, les craquelures qui les divisent sont vite apparues au grand jour. Les orthodoxes parlaient de « provocation » de la part du ministère, parce que celui-ci aurait omis d’inviter leur métropolite et les musulmans ont voulu sauter le premier point pour directement en venir à leur doléance principale, un conventionnement. Aux yeux de Gillen, la mention de la religion dans la constitution serait nécessaire pour garantir « la liberté de religion ». Il va plus loin en demandant d’y ajouter aussi le principe des conventions. De son côté, Aha réclame la mention d’un « Etat laïc » comme meilleur garant de ladite liberté de conscience et de religion, mais cette revendication n’a pas vraiment trouvé d’échos dans l’audience.
Quant au financement des cultes par les deniers publics, Gillen a repris l’argumentaire typique de l’église catholique : oui à certains changements, qui restent toutefois encore à définir ; mais, et c’est là où le bât blesse, « njet » à l’abolition. A nouveau, l’Aha, qui est pour la fin du système actuel, était en fort mauvaise posture. C’est le représentant de la Shoura qui l’a exprimé le plus clairement : « La croyance est privée, mais la religion non » et de qualifier l’attitude de l’Aha de « néolibérale », parce qu’elle prévoit de privatiser les cultes. En général, les communautés étaient d’accord pour ne pas abolir le conventionnement – même celles qui n’en profitent pas. L’argument de Lickes, qui a rappelé l’existence d’un sondage selon lequel 66 pour cent des Luxembourgeois souhaitent une séparation stricte entre Etat et communautés religieuses a été balayé d’une main? divine.
Même blocage pour le troisième axe : si les représentants de l’Alpe et des instituteurs ont réitéré leurs arguments selon lesquels une société multiculturelle et multicultuelle ne se construit pas en séparant les enfants, l’opposition à un cours unique d’éducation aux valeurs était quasi – à l’exception de la Shoura, qui « ne veut pas missionner » – unanime aussi.
Ainsi, le dialogue voulu par Biltgen ne reflète nullement le consensus qu’il veut faire passer. Au contraire, il montre les lignes de fracture entre les communautés elles-mêmes et les personnes athées ou agnostiques qui mettent en question le bien-fondé d’un système archaïque.