INSTALLATIONS: Miroitée

L’exposition monographique que le Mudam consacre en ce moment à l’artiste coréenne Lee Bul est éclectique et complète – en un mot : très réussie.

Certes, le grand hall du Mudam a déjà été décoré de façon plus colorée. Mais « Diluvium », la pièce que
Lee Bul y a installée est sûrement une des premières oeuvres d’art qu’on peut parcourir dans le premier sens du terme, puisque même une affichette invite les visiteurs à le faire. A mi-chemin entre skate-park et parcours, elle est surtout une plateforme à partir de laquelle on peut mieux contempler les sculptures de l’artiste suspendues au plafond. Baptisées « Cyborgs » et datant de 1998, celles-ci surprennent à la fois par leur esthétique que par leur contenu. Leurs corps, dont certains membres sont hypertrophiés, semblent issus de l’univers des dessins animés manga japonais, tandis que le fait que certains de ces membres manquent cruellement pointe plutôt vers une interprétation philosophique. L’incomplétude de ces sculptures aériennes renvoie vers une réflexion sur le désir humain de perfection, jamais vraiment assouvi, mais qui peut produire des créatures monstrueuses en chemin.

De telles idées ne surprennent pas quand on prend en compte que l’artiste a commencé à s’activer vers 1987 – l’année où elle a terminé ses études de sculptures – à Séoul. C’était l’époque où le régime dictatorial et la domination militaire de son pays venaient juste de finir et que timidement les réflexes citoyens refaisaient leur apparition. Pourtant, Lee Bul n’a jamais été une grande timide, tout au contraire : ses premières performances étaient brutales et elle concevait son activité artistique comme une sorte de guérilla. C’est peut-être avec le temps que ses oeuvres, en tout cas celles exposées au Mudam, ont gagnées en subtilité et en contenu.

On remarquera avant tout « Mon grand récit » – une sculpture « multimédia » portant l’inscription « Weep into Stones, Fables like Few, Our Few Evil Days ». Evoquant à la fois un parcours et un style, elle évoque le mouvement perpétuel de l’âme humaine et son désir de se fixer. Cette attitude bicéphale se retrouve aussi dans ses installations kaléïdoscopiques « Bunker » au sous-sol du musée. Ici, le visiteur doit d’abord traverser un cabinet de miroirs fracturés pour se retrouver face à une sculpture monolithique – évoquant un peu le météorite de « L’odyssée de l’espace 2001 ». A la seule différence près que celui-ci est pénétrable par le visiteur?

L’exposition est complétée par une troisième partie qui est constituée d’une reconstitution de l’atelier de l’artiste. Une bonne initiative qui offre au visiteur l’occasion unique de devenir le témoin des efforts, parfois monstrueux, derrière les oeuvres qu’il vient de voir.

Au Musée d’art moderne Grand-Duc Jean, jusqu’au 9 juin 2014


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