Si vous aimez les parfums et les encens, vous le connaissez probablement. En discutant avec Richard, vous entendrez chanter l’accent du midi français, qui met un peu de soleil et de chaleur dans le marché de Noël de la Place d’Armes.
Richard (Schneider par son côté paternel alsacien et Nicolás par son côté maternel espagnol) vient au Luxembourg depuis août 1979. C’est grâce à un vendeur hollandais – rencontré sur un marché de la Côte d’Azur où il était déjà vendeur avec son
copain Jean-Michel -, qu’il a appris l’existence d’une grande foire au Luxembourg: la „Schueberfouer“. Il est venu et a rencontré „Monsieur Capesius, un grand monsieur, avec beaucoup de classe“, qui avait son bureau au Centre Hamilius et qui assignait
les places aux vendeurs. „Il a vu les bijoux que nous vendions, il les a aimés et il a donné son accord.“ Richard et Jean-Michel ont fait ainsi leur première expérience de la foire luxembourgeoise.
woxx: Pourquoi avoir choisi ce métier avec votre copain Jean-Michel ?
Richard: Nous nous connaissions depuis l’enfance. Nous avions déjà fait la manche dans les rues en jouant de la musique. Nous aimions tous les deux rencontrer du monde et aucun de nous ne voulait rester toujours au même endroit ou avoir un patron.
Pourtant, nous n’avions pas le projet de passer toute notre vie ainsi. Je sortais de l’école des Beaux Arts et je n’imaginais pas l’évolution qu’allait prendre cette activité. A l’époque, je ne faisais pas encore de céramique.
Quelques années plus tard, Richard (aussi appelé Richi par beaucoup), continue de venir à Luxembourg, pour l’Octave, la Schoberfouer et les marchés de Saint Nicolas et de Noël. Il ne vend plus de bijoux, mais de petites poteries qu’il fabrique lui même
et – surtout – des parfums et des encens.
Ce n’est pas trop dur, de faire ce va-et-vient?
En fait, derrière l’aspect ludique des stands il y a un énorme effort d’organisation. Moi, au début j’étais souvent pris au dépourvu. Il me manquaient toujours des choses, c’était la galère, de venir ici!
Mais vous avez continué de venir …
Eh oui, parce que cela travaillait bien et parce que le début du travail ici coï ncidait avec la fin de la saison en France.
Quelle a été votre première impression, quand vous êtes arrivé au Luxembourg?
J’ai eu l’impression que c’était l’après-guerre, un peu triste. Cela se voyait aux détails vestimentaires, dans la rue. C’était même un peu choquant. Les gens n’étaient pas à la mode, ils étaient complètement décalés par rapport à nous, les Français.
J’entendais parler luxembourgeois et je ne comprenais rien, mais j’étais gêné de le dire. Quand on m’a dit que les gens parlaient aussi le français, j’ai commencé à dire que j’étais Français et la communication est devenue plus facile. Les gens
étaient plus réservés que chez-nous. Ils venaient au stand, ils regardaient sans rien dire, ce qui pouvait durer longtemps. Je me suis décidé à dire les premiers mots. J’ai compris, qu’ici, c’était à moi de prendre l’initiative de la communication. Une
fois qu’on cassait la glace, ça allait bien mieux.
Et, depuis 1979, quels changements avez-vous apprécié?
Il y a eu une grande évolution, spécialement, chez les enfants et chez les femmes. Ceux qui ont le moins bougé sont les hommes! A l’époque où je suis arrivé, les enfants étaient très sages et maintenant ils sont très vifs, très „speed“, comme partout
ailleurs.
Avez-vous remarqué la présence de gens d’origines différentes?
Bien sûr! Quand je suis arrivé je ne voyais que des Italiens, des Portugais, des Luxembourgeois et quelques Français. Maintenant cela a changé. On voit plus de diversité. Et de plus en plus de Français!
Avez-vous des copains ici?
Oui, j’en ai plein! Les autres vendeurs me connaissent tous. Il y a des gens que je connais depuis 23 ans! J’ai des clients qui viennent chaque fois me dire bonjour. En fait, une moitié de mon stand, c’est moi-même, et l’autre, c’est la marchandise. Je ne
sais pas si j’aurais si bien travaillé en étant quelqu’un d’autre. Je communique assez facilement. Je n’ai jamais eu d’histoires avec personne.
Qui s’intéresse davantage à vos produits?
Les femmes. Elles sont curieuses, elles aiment les odeurs et les petits objets pour la maison.
Que peut-on trouver chez vous?
Tout au début, j’avais un stand minuscule, de deux mètres, et je vendais des bijoux. Quand je disais que j’étais provençal, on me disait, qu’avant, il y avait quelqu’un qui se baladait en ville et vendait de la lavande. Cela m’a donné des idées. L’année
suivante, j’avais une moitié du stand avec des bijoux et l’autre avec des petits sacs de lavande, dont mes stocks étaient épuisés en trois jours seulement. J’ai compris que cela pouvait marcher. Je vendais aussi de petits diffuseurs de lavande en
céramique. Une année, j’ai commencé à faire des démonstrations … et petit à petit je me suis fait connaître. On m’a demandé d’autres parfums. Je suis allé voir un fournisseur qui m’a donné d’autres essences. J’ai découvert le monde des huiles
essentielles, des encenses. Au début, comme je n’y connaissais rien, j’allais voir des gens compétents. J’achetais des bouteilles. Ma gamme s’agrandissait de jour en jour. J’avais lavande, citronnelle, eucalyptus, sapin, ensuite, j’ai rajouté la rose, le
magnolia, le muguet, la violette … jusqu’aux trente-six parfums que j’ai maintenant. En fait, j’ai été le premier qui a eu au Luxembourg un stand qui sentait les parfums.
Pendant des années je n’avais que les parfums et les diffuseurs de parfums. Ensuite j’ai fait des maisons en terre cuite avec une cheminée que j’ai très bien vendu, pour diffuser des huiles et des parfums. Un vrai succès! Il y avait un monde fou devant
mon stand. Les gens s’y arrêtaient comme si l’on y présentait la première voiture électrique. Je suis tombé au bon moment. J’ai aussi vendu des eaux de toilette et des savons, mais c’était plus difficile, car les savons pèsent beaucoup et on ne fait pas
de bénéfices. C’est alors que j’ai eu l’idée des encens. Quand j’avais commencé avec les bijoux, il y avait un Hindou qui vendait des encens et des petites bouteilles de jasmin, de patchouli … et j’allais acheter chez-lui. Un jour il a arrêté et je me
suis dit que j’allais prendre le relais. En fait, j’ai été un des premiers à vendre des encens. Je me sens un peu comme Marco Polo: j’ai apporté des épices, des encens …