Vincent Perez: Perez fait son cinéma

Après trois courts métrages à son actif, Vincent Perez entre dans la cour des grands et signe son premier long métrage „Peau d’Ange“, une histoire d’amour et de déchirure, avant de rentrer dans la peau de „Fanfan, la tulipe“. Rencontre avec acteurréalisateur qui rêve de réinventer le 7e Art

Le nouveau Gérard Philippe? Vincent Perez nous parle de son rôle dans le remake de „Fanfan, la tulipe“.

Photo: Thibaut Demeye

ACTEUR-REALISATEUR

woxx: Pour votre première réalisation, vous avez dit être inspiré par les réalisateurs que vous avez côtoyés. L’influence pour „Peau d’Ange“ est-elle plus proche de Patrice Chéreau que de Gabriel Aghion?

Vincent Perez: C’est vrai qu’il y a des quartiers de sensibilité dans lesquels on peut placer „Peau d’Ange“. Il se situerait entre plusieurs genres cinématographiques qui m’ont toujours impressionné, comme celui de Michelangelo Antonioni, Wong Kar-Wai pour son audace, Hou Hsiao Hsien pour sa simplicité et son sens de l’image, du frôlement de deux êtres qui se croisent, sans oublier les grands classiques comme ceux d’Akira Kurosawa. Tout cela est assez éclectique, mais je me sens plus proche de ce cinéma-là que du cinéma formaté, un peu à l’américaine, qui m’ennuie comme metteur en scène. Mais le cinéma que je rêve de faire n’existe pas en fait. Il me faut l’inventer.

Vous vous êtes lancé dans la réalisation par passion. Mais ne pensez-vous pas que les acteurs qui passent derrière la caméra répondent à une sorte de phénomène de mode, un peu comme les chanteurs qui passent devant la caméra?

Sauf que pour les chanteurs, ce phénomène de mode n’a pas marché! C’est difficile pour eux de passer devant la caméra car ils ont un rapport avec l’image très différent de celui de l’acteur, image qu’ils ont souvent de la peine à briser. Maintenant, les acteurs qui passent derrière la caméra, cela a toujours existé et je pense que cela existera toujours. Cela a commencé par des immenses génies comme Buster Keaton, Charlie Chaplin et d’autres. Je pense tout simplement que si nous pouvons réussir à la fois notre métier d’acteur et de réalisateur, c’est parce que nous sommes tout le temps sur les plateaux, en contact avec tous ces métiers qui participent à un film. Mais il y a aussi des acteurs qui ne voudraient jamais passer derrière la caméra. C’est une boucle que je ferme parce que j’ai commencé par la photographie, j’ai bifurqué vers le métier d’acteur et là, j’arrive à lier les deux. C’est formidable de me dire que je n’ai pas perdu de temps en faisant de la photographie, parce qu’aujourd’hui cela me sert beaucoup.

La boucle est bouclée en quelque sorte?

En quelque sorte, mais j’espère que cela va donner un nouvel élan à ma vie et à ma carrière. D’ailleurs, aujourd’hui, je suis plus en contrôle, je maîtrise un peu plus mes rêves et je peux aller jusqu’au bout de ceux-ci, ce qui n’était pas forcément le cas avant.

Réaliser un film avec Luc Besson à la production, cela se passe comment?

Cela se passe bien. Il y avait Luc Besson, mais aussi Virginie Silain, qui était toujours sur le plateau. C’est elle qui était en quelque sorte la productrice exécutive, c’était avec elle que je travaillais tous les jours. Luc, c’était formidable parce qu’il connaît bien la mise en scène. Par exemple, il m’a appelé à la quatrième semaine de tournage pour prendre des nouvelles: „En fait, je voulais savoir si vraiment tout allait bien parce que souvent en quatrième semaine, le réalisateur déprime, car il a rêvé d’un truc enfoui en lui et déjà cela devient quelque chose de concret, une sorte de premier deuil que l’on a porté et qui crée un petit moment de déprime.“ Et c’est vrai que deux heures après notre conversation, je l’ai ressenti. Mais il a toujours été un compagnon de route formidable, il m’a toujours dit: „C’est ton film.“ Il a toujours été respectueux, il a toujours adoré le projet et il en est très fier. Aujourd’hui, il attend que je lui propose un autre film.

Il va arriver?

Oui, il va arriver. Mais je ne peux pas encore en parler. Je bouillonne d’idées, de désirs. En fait, aujourd’hui, il me faudrait 80 heures par jour pour faire les choses bien et faire tout ce que je souhaite faire. Mais rassurez-vous, ça va aller. Je vais essayer de faire les choses une par une et de bien les faire. Actuellement, je me suis muni d’une nouvelle force, d’une nouvelle énergie. Je suis, en fait, très excité.

Et „Fanfan, la tulipe“ en est où?

Justement, cela fait partie de cette nouvelle énergie. C’est vrai que ce rôle est un rêve d’enfant. Tout d’un coup, le fait de pouvoir être „Fanfan la tulipe“ est à la fois magique, tout en représentant beaucoup de travail parce que j’ai fait toutes les cascades moi-même, tout comme les combats. Mais j’ai pris mon pied, cela va être un film solaire. On a vraiment respecté le ton et l’esprit du film de Christian Jaques avec Gérard Philippe, mais modernisé. Cinquante ans après, on va faire redécouvrir cette histoire à toute une génération qui ne connaît pas du tout „Fanfan, la tulipe“.

Ce n’était pas trop difficile d’enfiler les bottes de Gérard Philipp?

Les gens ne connaissent pas trop Gérard Philippe, du moins la nouvelle génération. En fait, „Fanfan, la tulipe“ est un film qui s’adressera aux 7 à 77 ans, donc il y a une tranche qui ne le connaît pas. Puis, il y a ceux qui le connaissent, et Dieu sait qu’il y en a beaucoup car c’est un film culte et je pense qu’ils ne seront pas déçus. En même temps, je me suis approprié ce rôle comme d’un gant, comme s’il m’attendait. Il y avait quelque chose de naturel qui s’est produit et je pense que les gens le ressentiront en voyant le film.

Si c’était à refaire, changeriez-vous quelque chose à „Peau d’Ange“?

Je regrette toujours des choses sur tout ce que je fais, bien évidemment. Je suis un insatisfait constant. Ce n’est pas à moi d’être satisfait de mon travail, cela me paraît complètement abstrait de dire que je suis content. Il y a, en effet, des choses que je regrette dans „Peau d’Ange“, par exemple des scènes qui manquent. Mais, en contrepartie, je suis très heureux de voir les gens sortir du film et que les débats – on en a fait beaucoup dans toute la France – sont toujours très profonds. Il y a toujours quelqu’un qui se lève dans la salle pour défendre le film et dire: „Ce film m’a fait beaucoup de bien, il m’a touché profondément, cela change, c’est un beau film, je vous remercie car nous avons besoin de cela“, à chaque présentation et cela me touche beaucoup.

Propos recueillis par Thibaut Demeyer

„Peau d’Ange“

(gk) – Le film de Vincent Perez n’aura tenu qu’une semaine dans les salles luxembourgeoises. Et ce n’est pas un long métrage que l’on regrettera beaucoup. „Peau d’Ange“ est rempli du fantasme très kitsch et macho de la vierge qui viendra sauver l’homme de son désespoir intérieur. Vincent Perez s’intéresse trop à son personnage masculin assez fade et trop peu à son héroïne, une quasi-sainte, dont l’innocence affichée lui vaudra quelques problèmes. Tout de même, Olivier Gourmet („Le Fils“) y tient un second rôle, qu’il interprète de manière absolument grandiose. Avant de revenir sur nos écrans dans „Fanfan, la tulipe“, l’acteur-réalisateur partagera l’affiche avec Guillaume Depardieu dans „Le Pharmacien de Garde“, dont la sortie est prévue pour vendredi prochain.


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